Quelle ne serait pas votre surprise, chers habitants de Libra, si vous parveniez à voir ce qui se cache derrière sa sombre plastique.  Fétide n’a de pourriture que l’essence et l’odeur. Telle une héroïne de contes de fées, sa gentillesse n’a d’égale que sa grande générosité. Jamais, au grand jamais, elle ne se permettrait de faire du mal à quiconque, ni de dire quelque mauvais mot à l’encontre de quelqu’un. Qu’importe si on la brise. Qu’importe si on la hait. Peut-être est-ce parce qu’elle n’ose pas, peut-être est-ce parce qu’elle est trop polie – mais qui lui aurait appris ? Toujours est-il que Fétide, c’est un amour. Dans tous les sens du terme. Si Fétide était votre amie, elle viendrait tous les matins vous apporter votre pain au chocolat en vous demandant, avec un petit sourire, si  vous avez passé une bonne nuit. Si elle était votre amie, elle serait une oreille attentive, trop réservée pour se confier.

Si Fétide était votre amie, elle ne parlerait jamais d’elle. Parce qu’elle se hait. Parce qu’elle déteste sa nature, son corps. Elle a sans doute la même répulsion pour son physique que toute personne en ce monde, peut-être bien plus. Elle déteste son visage, elle déteste son corps et ses cheveux et, par-dessus tout, elle déteste les miroirs. Rien n’y change, rien ne change. Ses efforts sont vains, mais elle continue. Quelque part, elle sait qu’elle est condamnée. Condamnée à exister. Condamnée à être Fétide et rien d’autre. Mais elle se leurre, elle tente d’oublier cette atroce réalité – comment vivre en se disant constamment qu’on ne pourra jamais être aimé ?

Mais, en même temps, vous ne vous lassez pas de le lui rappeler, n’est-ce pas ? Les rires méprisants, les insultes, les cris. Alors elle se bouche les oreilles, elle ne veut pas savoir, non, elle ne veut pas qu’on lui dise ce qu’elle sait déjà. Sale monstre. Abomination. Macchabée. Horreur sur pattes. Remmène tes cafards et éloigne-toi de nous. Fétide ne veut pas entendre. Elle laisse couler des larmes mais ne les montre pas. C’est atroce, ça fait mal, plus mal que son œil malade. Mais elle ne parle à personne de son malaise, de son mal-être. Parfois, elle aimerait ne plus exister. Elle aimerait s’effacer une fois pour toutes, comme elle le fait avec les quelques rares personnes qui veulent bien de sa compagnie. Elle est pourtant si gentille, Fétide. Si compréhensive. Ne sont-ce pas les personnes qui souffrent le plus qui peuvent le mieux comprendre la douleur des autres ?

Oh, oui, Fétide comprend. Elle comprend lorsque vous la regardez de haut, elle comprend lorsque vous la fuyez, elle comprend lorsque vous la délaissez.

Parce qu’elle sait, malgré tout, ce qu’elle est. La Pourriture.

Et le plus tragique dans tout cela, c’est qu’il en sera toujours ainsi.