Sujet: La voie de la connaissance. (Suiren) Sam 18 Avr - 21:51
Qu'il faisait beau. Beau comme l'était Rupture après avoir passé plusieurs heures à se préparer pour être présentable. Beau comme une journée ensoleillée. Pour Rupture, ce temps était inspirant. A cela, rien d'étonnant ; le jeune homme était porté sur les apparences, et quand il voyait que le temps était clément, il pensait que les choses iraient dans son sens. C'était donc le moment de se lancer dans des entreprises périlleuses, de résoudre les problèmes les plus délicats, bref, de se montrer aventureux. Pour l'occasion, Rupture avait adopté la tenue la plus vive qu'il pouvait se composer : tout un ensemble de jaune fluo bien pétant, dévoilant ses bras légèrement hâlés par le soleil, et qu'il comptait bien bronzer un peu plus, histoire de se donner bonne mine. Il estimait en effet qu'avoir un teint un peu hâlé donnait l'impression d'une personne dynamique et sympathique, ce qui correspondait justement à l'image qu'il voulait donner. Il prit le temps d'aiguiser un peu son épée. En toute honnêteté, celle-ci n'en avait nul besoin ; elle ne tranchait pas grand-chose, à part l'air. Toutefois, c'était un réflexe qu'avait adopté Rupture, parce que cela rendait bien. Il se disait qu'en adoptant les réflexes d'un professionnel, il en deviendrait. Alors il aiguisait son épée. Il ne faisait que cela, vu qu'il n'y connaissait pas grand-chose, il agissait comme avec un couteau de cuisine. Il aurait peut-être pu demander à un de ses collègues un conseil ; notamment à Yemdel, vu qu'il lui avait envoyé une lettre. Mais non, Rupture n'avait pas envie d'étaler son ignorance devant quiconque. S'il ne montrait pas qu'il était ignorant, il ne l'était pas. Donc il faisait comme si il savait, ainsi il passait pour un garde expérimenté.
D'ailleurs, aujourd'hui, c'était entraînement. Pas pour lui d'ailleurs. Il s'entraînait de temps en temps à agiter son épée comme une petite fille agiterait sa baguette magique en croyant produire des étincelles de féerie. Mais bon, il se trouvait très bon à ce qu'il faisait, et franchement, pour remuer une arme pour se donner un genre, il faut admettre qu'il excellait à cela. Comme dans tout ce qui touchait à l'apparence. Alors pour le moment, il allait concentrer ses efforts sur un autre personnage, qui avait plus besoin de ses services pour l'instant. Rupture en professeur, c'était déjà risible. Mais le voir enseigner quelque chose qu'il ne maîtrisait pas lui-même... Cela devenait simplement ridicule.
Il avait donné rendez-vous à Suiren aux sources ardentes, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, parce que le cadre était beau ; il ne faut donc pas s'étonner que cela ait motivé le choix de Rupture. Ensuite, parce qu'elles se situaient à l'extérieur de la ville - ce qui était bien mieux, car Eraclae n'était pas vraiment un cadre des plus parfaits - et qu'il y avait pas d'espace à proximité des sources en elle-même. Et puis, comme ça, après ils pourraient se baigner et se relaxer après leurs durs efforts. Rupture était fier de lui, cela prouvait qu'il pensait à tout. Il était arrivé le premier, bien évidemment - un professeur se devait d'être présent avant son élève, pour « préparer » le cours. Sauf que Rupture ne savait pas trop ce qu'il avait à préparer. Il avait pris des armes, un peu au hasard d'ailleurs ; de toute façon, il était censé apprendre les bases aujourd'hui, à Suiren, à savoir comment tenir son épée. Ça au moins, c'était quelque chose que le vagabond savait faire ; mais si ses postures étaient belles et élégantes, elles n'étaient sans doute pas très utiles en combat réel. Heureusement, le cas ne s'était jamais présenté pour Rupture. Les gens s'arrêtaient trop à son apparence. Et c'était ce qu'il voulait. Il aperçut le gamin arriver au loin. Pour lui, Suiren était un gamin, même si physiquement, il n'avait que quelques années de moins. Mais sa façon de le critiquer, associée à son joli visage infantile, l'avait convaincu qu'il avait affaire à un enfant de grande taille, et Rupture ne s'était pas posé plus de questions. Il ne savait donc pas qu'il avait affaire à un adolescent. Ce qui ne l'empêchait pas de considérer qu'on pouvait enseigner la voie de l'épée à un enfant. Eh bien, oui, dans les histoires, les garçons étaient entraînés très jeunes à devenir des épéistes, n'est-ce-pas ? C'était ainsi qu'ils pouvaient être d'excellents bretteurs à l'âge adulte. Rupture n'avait pas eu cette chance, mais bon, il maîtrisait bien ses gestes, non ? Il pouvait donc faire un bon maître d'armes. « Suiren ! » Il appela le gamin tout en lui faisant signe de la main de le rejoindre. Il ne put s'empêcher de dévisager son élève pendant quelques secondes, pour voir comment il s'était habillé, coiffé ; s'estimant satisfait du résultat - même si bien sûr, cela ne valait pas sa propre apparence, mais bon, il était un maître en la matière, tous ne pouvaient pas rivaliser avec son génie -, il lui tendit la main pour qu'il la serrât. « Tu as bien dormi ? Tu as bien suivi toutes mes recommandations avant de venir ici ? Sinon, la leçon sera compromise. » Il lui avait donné un certain nombre de conseils, certains qui étaient très certainement très utiles (bien dormir), d'autres bien plus douteux. Par exemple, était-il vraiment nécessaire de mettre du parfum pour s'entraîner ? Rupture y avait pensé car les odeurs, ça n'était juste pas possible, ça gâchait toute l'apparence... mais peut-être était-il le seul à y penser. « Si tu es prêt, on peut commencer. »
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Sujet: Re: La voie de la connaissance. (Suiren) Dim 19 Avr - 0:14
Sujet: Re: La voie de la connaissance. (Suiren) Dim 19 Avr - 15:37
Rupture ne se demande pas une seule seconde ce qu'il allait bien pouvoir apprendre à Suiren. Il était diablement confiant. Encore un peu, et on l'aurait vu bomber le torse avec fierté. Il aimait beaucoup son rôle d'instructeur : c'était une image qu'il considérait comme positive, voilà pourquoi il se devait de l'endosser à un moment ou à un autre. Il aimait bien Suiren. Son innocence était rafraîchissante - ou du moins, c'était ainsi que Rupture le voyait, comme un être innocent qui n'était pas encore corrompu -, elle devait lui rappeler la sienne. Et puis, pour le coup, il avait pris soin de son apparence, ce qui plaisait beaucoup au vagabond. S'il était venu dans une tenue négligée sous prétexte qu'il allait se dépenser, Rupture aurait refusé de lui faire cours. Le jeune homme considérait que rien n'était plus important que l'apparence que l'on arborait. Absolument rien.
Pourquoi l'appelait-il « don juan » ? Ce terme, passé dans le vocabulaire courant, étonnait pourtant Rupture, qui ne saisissait pas trop en quoi cela s'appliquait. Un Don Juan, c'était un dragueur... ce qu'il n'était assurément pas. Oui, il faisait attention à son apparence, cela dit, il ne cherchait pas à séduire, loin de là. « Séducteur » n'était pas une étiquette qu'il désirait coller sur son visage. Quand bien même il charmait par son humour et sa joie de vivre, ce n'était pas volontaire. Rupture n'avait pas la maturité intellectuelle nécessaire pour comprendre ce que cela voulait dire, draguer ; il aimait comme un enfant, en s'attachant aux choses belles, sans chercher à les faire tomber sous son charme. Les belles choses s'attachaient à lui avec naturel. Il ne comprenait pas comment cela se faisait, mais bien sûr, il n'allait pas se poser la question. C'était comme ça, voilà tout. Qu'est-ce que Suiren essayait de lui dire ? Bah, ce devait être une malencontreuse erreur de jugement. Le garçon ne semblait pas particulièrement ravi d'avoir suivi toutes ses directives, mais il les avaient respectées, c'était l'essentiel. Rupture acquiesça donc. « Elles ne changeront plus, tu peux donc t'y habituer dès à présent. » Ah, c'était bien les jeunes, ça, se plaindre parce qu'ils devaient se coucher tôt. Le vagabond ne put s'empêcher d'ajouter : « Se coucher tôt, c'est très important, tu sais. Dormir c'est bon pour le teint. » En disant cela, il désigna son propre visage au teint éclatant - sans surprise -, signe qu'il respectait ses propres instructions. Rupture faisait très attention à sa peau. Il ne rêvait que d'une chose : rencontrer quelqu'un qui lui expliquerait quelles plantes utiliser pour en rehausser l'éclat. Elle était très belle, sa peau, évidemment, mais il savait qu'elle pouvait être mieux. Il était peut-être proche de la perfection, mais il y avait des choses à améliorer. Bien sûr, Rupture était très modeste.
Il était temps de commencer. Mais. Pourquoi Suiren n'aimait pas sa tenue ? Rupture l'avait pourtant choisie avec beaucoup de soin. Persuadé que le jaune était une couleur qui lui allait parfaitement bien - elle ne jurait même pas avec la teinte blonde de ses cheveux, en plus ! -, il ne voyait pas où était le problème. Suiren semblait bien lui reprocher le fait que ses habits étaient vifs, mais Rupture n'y pouvait rien, il aimait les couleurs vives. Oui, cela ne pouvait être que cela, Suiren ne devait pas aimer le jaune ; et dans la mesure où il était encore petit, il n'avait pas le tact d'une grande personne. Ce fut la seule pensée qui empêcha Rupture de plonger dans le désespoir. Cela dit, des larmes se formèrent dans le coin de ses yeux, et Rupture ressembla lui-même à un gamin en train de chouiner. « Mais, Suiren... » Il se recroquevilla légèrement, blessé d'avoir été critiqué sur ce qui faisait sa fierté. « Je porte toujours du jaune. Je changerai de couleur la prochaine fois... » Est-ce que de l'orange ou du rouge lui irait ? Non, il trouverait sans doute cela trop vif... dommage, Rupture n'aimait pas quand c'était fade. Bon, il verrait bien, du moment qu'il ne prenait pas du noir ou du gris... peut-être du blanc ?
Il tendit alors une épée à Suiren. Enfin, est-ce que c'était une épée ? La forme était peut-être un peu trop différente de la sienne, donc si ça se trouvait, c'était un autre type d'arme. Rupture n'en savait rien. Dans sa tête, c'était une « épée », il n'allait pas s'embarrasser à lui trouver un autre terme plus complexe, même si celui-ci était plus proche de la vérité. « Bien, tu sais comment la tenir... ou pas ? »
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Sujet: Re: La voie de la connaissance. (Suiren) Dim 19 Avr - 17:15
Sujet: Re: La voie de la connaissance. (Suiren) Jeu 30 Avr - 22:57
La leçon devait commencer, et Rupture se coula dans son rôle de professeur, arborant un air sévère et un visage studieux. Il n'était plus question de sourires mielleux, de mouvements gracieux et de soin porté à la façon dont ses vêtements tombaient. Il fallait désormais faire preuve de sérieux ; et c'était assez difficile car cela ne correspondait pas véritablement à la personnalité qu'il voulait se donner habituellement. Il essayait toujours d'avoir l'air brillant, sympathique, d'être aussi éblouissant que le soleil ; et c'était l'astre qui lui correspond le mieux, à Rupture, cet astre d'une chaleur étouffante, à la lumière aveuglante - aussi aveuglant que le jaune qu'il arborait, selon son élève -, c'était tout lui. Il devait se restreindre un peu, se montrer moins éclatant ; c'était vraiment difficile. Pourtant, il savait que s'il parvenait à coller à l'apparence, c'était gagné pour lui ; il pouvait même altérer sa personnalité. C'était ses capacités ultra-magiques de vagabond de la superficialité. Il aurait l'air emprunté, tout au plus ; Rupture était très doué pour jouer avec la surface, donc il pouvait au moins faire croire avec facilité qu'il était un bon professeur. Ce qui ne voulait pas nécessaire dire qu'il en était un, hélas. Suiren n'avait apparemment jamais tenu une épée de sa vie. Cela pouvait se comprendre ; lui-même, cela ne faisait pas si longtemps qu'il en tenait une. D'un autre côté, il avait appris à manier l'épée peu de temps après sa naissance, parce qu'il était déjà adulte d'une certaine façon. Tout seul, comme un grand ; c'était impossible pour quelqu'un comme lui de demander un cours alors qu'il pensait être capable de tout comprendre en regardant. Il avait appris ses passes d'armes en observant les autres le faire - notamment en regardant comment Yemdel s'y prenait. Le lieutenant de la guerre était vraiment très doué, et il avait une véritable aisance qui en faisait un maître d'armes accompli. Du moins, aux yeux du béotien qu'était Rupture.
Il s'approcha de Suiren et rectifia sa position avec une assurance censée refléter l'étendue de ses connaissances. Il posta son pied droit en avant, son pied gauche en arrière - peut-être que c'était l'inverse, en fait, Rupture n'avait jamais réussi à déterminer la logique derrière tout cela, alors il choisissait le profil qu'il préférait chez Suiren, et c'était visiblement celui-là qui lui plaisait le plus -, le fit reculer légèrement le bassin - là encore, il n'avait aucune idée de l'utilité d'une telle position, ni même si cela revêtait un quelconque intérêt de prêter attention au bassin -, redresser la tête avant de se reculer pour vérifier que l'ensemble rendait bien. Là encore, c'était l'apparence qui intéressait le vagabond ; tant que Suiren avait l'air féroce, c'était tout ce qui importait. Il hocha la tête, satisfait du résultat, encore plus satisfait d'avoir obtenu quelque chose de bien au premier essai. Puis il se rapprocha à nouveau pour s'occuper cette fois des bras. La posture qu'il lui enseignait impliquait de tenir l'épée à deux mains ; c'était la base, d'après ce qu'il avait compris. Mais lui-même avait tendance à n'utiliser qu'une seule de ses mains pour faire des moulinets, c'était beaucoup plus élégant après tout. « Ceci est la posture de base. Celle que tu dois adopter quand tu es en attente et quand tu as peur. Quand ton ennemi te voit ainsi, il voit que tu es courageux, et n'ira pas t'attaquer s'il n'est pas lui-même sûr de lui. N'oublie jamais, Suiren. Si tu as l'air confiant, tu l'es. » Il ne prit pas la peine d'expliquer plus, pour lui c'est d'une évidence telle qu'il n'y avait pas besoin de développer plus. Cela se rapportait à sa propre vision du monde ; pour lui, tout était surface. Par conséquent, il comptait passer du temps à vérifier que Suiren maîtrisât bien cette position ; ainsi, il serait sûr qu'il ne mourrait pas au premier affrontement. Au fond, il n'allait pas apprendre à Suiren à devenir un véritable guerrier ; il lui enseignait comment donner l'impression qu'il était un fin breteeur. « Tu comprends ? Alors au repos, puis reproduis à nouveau cette posture, cette fois sans mon aide. Je te préviens, je suis observateur, je le verrai tout de suite si tu ne la reproduis pas à la perfection. » Le pire, c'était qu'il ne mentait pas. Il serait véritablement capable de voir une nuance, car Rupture se montrait très observateur pour tout ce qui touchait aux apparences. Il décernait très bien les nuances entre deux images ; en revanche, il était incapable de discerner des nuances de caractère, ce qui constituait un problème sérieux pour Rupture, qui se faisait très facilement avoir.