autrefois, aux États-Unis, on l'appelait Oscar Summers. La balance a fait de lui un sauvé. Il a vingt ans, il est boucher, habite à Rhode et se fait surnommer Le Peintre.
MORAL La couleur teinte ses doigts, il la vit. Il ressent le monde comme ça, en s'appropriant ses couleurs et elles font de lui ce qu'elles veulent. Elles le bouleversent, le possèdent, le tuent et ça lui donne un peu de vie. Il ne peut pas vivre sans elles ; il a besoin d'elles. Sans le rouge, il se sent mort. Sans le jaune, il se sent triste. Sans le bleu, il se sent vide. L'absence de couleurs lui fait du mal. Le blanc est si terrible, si vierge. Le blanc ne dit rien, ne permet rien, sa raison d'être est la souillure. Le blanc n'existe que pour devenir gris. Il veut vivre, respirer un peu trop l'herbe et boire un peu trop d'eau. Les mondes peuplés sont tous trop petits pour lui, il appelle son monde à lui. Celui-là est tellement coloré, tellement noir, gris, violet, rouge, bleu, jaune mais pas vert non, le vert est mensonger. Il ment, ment ; il veut vous faire croire à la liberté mais elle n'existe pas et Paint le sait bien qu'il est un oiseau en cage. Seulement, il a peint ses barreaux en rouge. Le peintre est impulsif. Ses émotions se jouent de lui, il ne peut pas leur échapper. Elles explosent et lui avec. Alors il tue et désespère, pleure et rit sans forcément savoir pourquoi. Il le sent, c'est tout. La vie est là, au bout de ses doigts et il en a peur. Il veut vivre mais est lâche. Il ne veut pas perdre, pas souffrir et pourtant c'est ça aussi la vie alors il s'enfuit, court loin de ce qu'il est mais se retrouve toujours à tourner en rond entre les barreaux carmin. Ce qu'il fait, il ne le veut pas forcément, il le regrette parfois mais c'est tellement peu face à ce qu'il ressentirait s'il ne faisait pas. Il serait tellement vide et ça le tuerait alors il continue à se laisser guider par lui-même. Pourtant, il ne veut pas blesser, pas heurter, juste colorer. Si une personne n'est pas colorée alors il doit la colorer. S'il n'y a aucun moyen de donner de la couleur à sa personnalité alors il donne de la couleur à sa peau en la peignant si elle est consentante, elle la déchirant sinon et alors le rouge envahit le blanc et il se sent vivre un peu plus. | PHYSIQUE Un oiseau passe, se pose sur le bois du chevalet, regarde l'artiste déposer la couleur. Ses yeux appliqués suivent le sillage du pinceau tenu par ses doigts fins et longs. L'instant semble si important qu'il retient sa respiration en se mordillant la lèvre pour mieux se concentrer. Le vent se lève, secoue les quelques cheveux sombres qui lui tombent sur la nuque et le visage mais cela ne le perturbe pas. Il est dans un autre monde, le vent n'est rien pour lui. Ses yeux noirs voient autre chose qu'une simple peinture. Pendant des heures, le petit merle regarde cet homme grand et maigre déposer sa vie sur la toile. Une fois le travail accompli, il se retrouve bec à nez avec l'humain qui le salue et n'arrive pas à lui répondre. Sa grande main caresse son plumage et il se laisse faire, touché par la douceur du geste. De longues minutes se passent pendant qu'ils parlent mentalement et puis l'oiseau se rappelle qu'il a quelque chose à faire alors il se courbe un peu et s'envole. |
empty words they say
Sa petite main fermée sur un crayon rouge, Oscar dessine. Papa et maman travaillent pour qu'ils puissent continuer à vivre décemment et il les attend sagement dans sa chambre au-dessus d'une feuille blanche. Les couleurs le fascinent, il aimerait toutes les connaître. Il a commencé à apprendre. Carmin, azur, lavande, les noms des nuances deviennent familières et elles sont si jolies. Pourtant, il ne sait pas encore les écrire, c'est un peintre qui les lui apprend. Il le voit des fois dans l'aire de jeu près de chez lui et il lui apprend plein de beaux mots. C'est la seule personne gentille avec lui mis à part ses parents. Les autres enfants à l'école le tapent et rient de sa faiblesse physique mais Papa et Maman disent qu'ils sont juste méchants et stupides, qu'il ne faut pas les écouter. Oscar essaie de faire face mais n'y arrive pas alors il se réfugie dans son monde dessiné.
La main crispée sur un stylo, il forme des lettres maladroites. Le trait est tremblant, les mots n'ont pas tous la même hauteur. Certains s'évadent des lignes tracées sur le papier. Le son de la mine grattant le blanc résonne dans la maison vide. Il s'applique, réécrit les noms des différentes nuances qu'il aime tant. Dans son petit monde de solitude et d'isolation, il se raccroche à elles. Les autres enfants ne comprennent pas et ne veulent pas comprendre. Tout ce qui importe à leurs yeux paraît tellement éloigné de la vie d'Oscar. Ils ne sont pas colorés alors ils ne l'intéressent pas.
Les doigts maintenant un pinceau, il peint. Pour son anniversaire, il a eu de la peinture et il en est tellement heureux que cela fait des jours qu'il travaille ce tableau. Ce n'est qu'un oiseau sur la toile mais il a vécu tellement d'aventures dans son esprit. La plupart des autres enfants ne comprennent pas mais il y a cette fille. Elle doit avoir à peu près le même âge que lui et elle lui sourit souvent quand il la regarde. Elle trouve ses peintures jolies et l'observe peindre des heures durant. Il n'a pas compris pourquoi son cœur bat plus fort à ces instants, il est sûrement trop jeune. Les autres le charrient mais il ne riposte pas. Ils n'ont pas compris qu'il n'a pas la force de riposter, de renvoyer la balle à la gueule quand il la reçoit.
Les phalanges refermées sur un couteau, il fend la viande. Il n'a pas eu les capacités de faire de grandes études, n'a pas eu l'argent non plus. Ses parents ne gagnaient pas assez pour ça. La viande l'intéresse, il aime la découper. Elle est si rouge, si vivante, elle lui plaît. La fille est encore là, lui sourit encore même s'il a un peu de mal à voir son sourire. Sa vision se trouble peu à peu mais une consultation coûterait trop cher, un traitement coûterait trop cher. Il économise pour acheter des lunettes afin de palier à ce problème et continue de peindre. Parfois, on veut lui acheter ses tableaux et ça lui fait un peu plus d'argent pour la paire de lunettes.
La paume repliée sur une paume plus petite, il regarde son amie sans la voir. Sa vue se dégrade, il doit fuir la lumière et le monde flou s'est installé autour de lui. Même les couleurs commencent à peindre leurs teintes et ça le tue. Elle lui dit de se faire soigner mais il n'a pas d'argent et elle ne peut pas l'aider. Le traitement coûterait trop cher, ce serait tellement de médicaments. Progressivement, il s'enferme chez lui. La lumière du jour lui est insupportable et la non-vue des couleurs l'est encore plus. Le monde est devenu rouge mais le bleu et le vert lui manquent, il a besoin d'eux. Ses parents ne pourront pas l'aider, ils ont été vaincus eux aussi par la maladie et lui sent son cœur qui ne bat plus correctement. Il faudrait voir un médecin. Il faudrait qu'il se soigne. Elle l'a abandonné, il ne sait pas pourquoi. Elle ne répond plus aux messages, plus aux appels.
Les ongles enfoncés dans sa chair, il souffre. Son cœur se précipite puis ralentit, déchire sa cage thoracique. Il ne voit même plus, le monde flou est devenu omniprésent. Il aurait dû se soigner, aller voir un médecin mais à quoi bon sans les couleurs, sans elle ? Pourquoi vivre une vie qu'il ne peut pas voir ? Le battement s'est arrêté. Il a simplement eu le temps de réaliser que tout est fini avant de ne plus sentir ses doigts. La balance l'a jugé, a décidé qu'il sera sauvé. Il n'a pas compris ce qu'elle voulait dire.
Les bras se balançant dans le vide, il se demande où il est. Le monde est si coloré ici, cela lui plaît bien. Il n'a aucune idée du monde dans lequel il était avant, il sent juste qu'il n'était pas comme ça et se met à pleurer. Les larmes traversent son visage sans qu'il comprenne la raison de ce bonheur qui naît en lui. Il devient boucher - il se sent proche de ce métier - et s'installe à Rhode, ville colorée comme il les aime. Il peint régulièrement dans des endroits aléatoires, parfois planté en pleine rue mais cela ne heurte plus personne. Le peintre fait partie du décor maintenant à Rhode.
La main crispée sur un stylo, il forme des lettres maladroites. Le trait est tremblant, les mots n'ont pas tous la même hauteur. Certains s'évadent des lignes tracées sur le papier. Le son de la mine grattant le blanc résonne dans la maison vide. Il s'applique, réécrit les noms des différentes nuances qu'il aime tant. Dans son petit monde de solitude et d'isolation, il se raccroche à elles. Les autres enfants ne comprennent pas et ne veulent pas comprendre. Tout ce qui importe à leurs yeux paraît tellement éloigné de la vie d'Oscar. Ils ne sont pas colorés alors ils ne l'intéressent pas.
Les doigts maintenant un pinceau, il peint. Pour son anniversaire, il a eu de la peinture et il en est tellement heureux que cela fait des jours qu'il travaille ce tableau. Ce n'est qu'un oiseau sur la toile mais il a vécu tellement d'aventures dans son esprit. La plupart des autres enfants ne comprennent pas mais il y a cette fille. Elle doit avoir à peu près le même âge que lui et elle lui sourit souvent quand il la regarde. Elle trouve ses peintures jolies et l'observe peindre des heures durant. Il n'a pas compris pourquoi son cœur bat plus fort à ces instants, il est sûrement trop jeune. Les autres le charrient mais il ne riposte pas. Ils n'ont pas compris qu'il n'a pas la force de riposter, de renvoyer la balle à la gueule quand il la reçoit.
Les phalanges refermées sur un couteau, il fend la viande. Il n'a pas eu les capacités de faire de grandes études, n'a pas eu l'argent non plus. Ses parents ne gagnaient pas assez pour ça. La viande l'intéresse, il aime la découper. Elle est si rouge, si vivante, elle lui plaît. La fille est encore là, lui sourit encore même s'il a un peu de mal à voir son sourire. Sa vision se trouble peu à peu mais une consultation coûterait trop cher, un traitement coûterait trop cher. Il économise pour acheter des lunettes afin de palier à ce problème et continue de peindre. Parfois, on veut lui acheter ses tableaux et ça lui fait un peu plus d'argent pour la paire de lunettes.
La paume repliée sur une paume plus petite, il regarde son amie sans la voir. Sa vue se dégrade, il doit fuir la lumière et le monde flou s'est installé autour de lui. Même les couleurs commencent à peindre leurs teintes et ça le tue. Elle lui dit de se faire soigner mais il n'a pas d'argent et elle ne peut pas l'aider. Le traitement coûterait trop cher, ce serait tellement de médicaments. Progressivement, il s'enferme chez lui. La lumière du jour lui est insupportable et la non-vue des couleurs l'est encore plus. Le monde est devenu rouge mais le bleu et le vert lui manquent, il a besoin d'eux. Ses parents ne pourront pas l'aider, ils ont été vaincus eux aussi par la maladie et lui sent son cœur qui ne bat plus correctement. Il faudrait voir un médecin. Il faudrait qu'il se soigne. Elle l'a abandonné, il ne sait pas pourquoi. Elle ne répond plus aux messages, plus aux appels.
Les ongles enfoncés dans sa chair, il souffre. Son cœur se précipite puis ralentit, déchire sa cage thoracique. Il ne voit même plus, le monde flou est devenu omniprésent. Il aurait dû se soigner, aller voir un médecin mais à quoi bon sans les couleurs, sans elle ? Pourquoi vivre une vie qu'il ne peut pas voir ? Le battement s'est arrêté. Il a simplement eu le temps de réaliser que tout est fini avant de ne plus sentir ses doigts. La balance l'a jugé, a décidé qu'il sera sauvé. Il n'a pas compris ce qu'elle voulait dire.
Les bras se balançant dans le vide, il se demande où il est. Le monde est si coloré ici, cela lui plaît bien. Il n'a aucune idée du monde dans lequel il était avant, il sent juste qu'il n'était pas comme ça et se met à pleurer. Les larmes traversent son visage sans qu'il comprenne la raison de ce bonheur qui naît en lui. Il devient boucher - il se sent proche de ce métier - et s'installe à Rhode, ville colorée comme il les aime. Il peint régulièrement dans des endroits aléatoires, parfois planté en pleine rue mais cela ne heurte plus personne. Le peintre fait partie du décor maintenant à Rhode.