Je m'étais assis confortablement dans l'herbe, les jambes allongées, les bras appuyant le reste de mon corps. Mon regard était porté vers le ciel, en ce milieu d'après-midi paisible. Aujourd'hui, c'était jour de congé et j'en profitais pour ... ne rien faire. C'était mon activité préférée, se prélasser entre la multitude de fleurs, sous un soleil flamboyant, dans cette herbe fraîchement coupé de la veille (par mes soins). Ces collines étaient ma deuxième maison et étaient facilement accessible de mon petit appartement à Canaan. Je m'imaginais être une fleur, comment la vie devait être paisible, prendre des bains de soleil, boire de l'eau et fabriquer sa propre nourriture, que demander de mieux. Mis à part quand quelques gens mal poli venaient écraser ces pauvres merveilles, par pur plaisir sadique. Je me cachais rapidement dans les buissons, réflexe de survie élémentaire dont je ne comprenais pas les fonctionnements. C'est plus fort que moi, dès que je ressens une pointe de colère chez les gens, je fuis par tous les moyens. Et quand je veux en parler, j'oublie pourquoi je veux en parler et j'oublie ce dont je parlais. Et ça énerve les gens. Et quand les gens s'énervent, je fuis. Et je me rappelle ce dont je voulais parler. C'est un cercle vicieux que peu de personnes arrivent à comprendre.
OH! Un papillon!
Je sautai sur mes deux pieds, dans un mouvement plus ou moins gracieux (j'ai failli tomber vers l'avant, mais ma jeunesse rattrapa cette faiblesse), et je courais vers le papillon qui s'envolait plus loin. Ils n'étaient pas rares et me distrayaient toujours de mes tâches d'apprenti jardinier. Soudain, un autre papillon passa devant mes yeux et je changeai de cap, suivant le nouvel insecte aux ailes bleues. Trop attentif, je ne fis même pas attention à la personne qui se trouvait devant moi. Je fonçai littéralement dans cet individu et je reculai d'un pas, secouant la tête.
Oups! Pardon!
Je me mis à rire, tapotant ma tête. Ce genre de rencontre n'était pas la première, au nombre de fois où je me prend des murs, des lampadaires et plus souvent, des personnes.
Garibaldi vacilla sous le choc, poussant un glapissement furieux. La petite chose blonde avec laquelle il était entré en collision était sortie de nulle part, et se répandait à présent en excuses entre deux rires confus, ce qui avait le don de l’exaspérer plus encore.
-Faites attention où vous mettez les pieds bon sang de bonsoir ! Cracha-t-il comme si ils s’étaient trouvés dans une ruelle bondée de la Citadelle et non dans les collines florissantes. Empreint de candeur, le garçon était imperméable aux récriminations du majordome, la situation était comique.
- Allons, allons, monsieur Garibaldi, ne nous mettons pas dans un état pareil, il ne l’a vraisemblablement pas fait exprès.
En disant ces mots, Atalante avait subitement émergé du parterre de fleurs où elle s’était assise pour faire Thémis savait quoi. Les bras chargés de pivoines, elle s’avançait à petit pas vers son acolyte dans les mains duquel elle déchargea sans ménagement son lourd fardeau. Elle essuya ses mains terreuses aux jupons de sa robe, et examina avec curiosité le nouveau venu.
- T’as pas l’air bien méchant, je dois pouvoir me présenter sans me faire gronder, marmonna-t-elle pour elle-même.
Elle l’ignorait sans doute, mais les feuilles qui étaient demeurées dans ses cheveux et le petit sourire malicieux qui étirait le bas de son visage lui donnaient des allures inquiétantes. Elle fixa Blondie un long moment sans détourner le regard. Inconsciemment, Atalante s’était adressé à lui comme un aîné aurait parlé à un enfant, il était pourtant fort probable qu’elle soit la plus jeune du petit groupe. Mais, comme une gamine jouant à la maîtresse d’école, elle ne sembla pas s’apercevoir de sa maladresse. Lorsque ses mains furent à peu près propres, elle en tendit une au jeune homme, découvrant des dents d’une blancheur éclatante.
- Je m’appelle Atalante, je suis une prêtresse du Temple, et lui, c’est Garibaldi, mon tuteur… on est ici parce que c’est là que je suis née ! Ajouta-t-elle rétrospectivement, se gonflant de fierté.
Ledit Garibaldi poussa un soupir découragé : ce n’était pas faute d’avoir tenté de lui inculquer les bonnes manières, à commencer par ne pas raconter sa vie aux étrangers dont elle faisait la rencontre. Mais ce concept semblait encore un peu difficile à intégrer pour la vagabonde.
Une petite brise printanière se leva, soulevant les pétales et pollens de milliers de fleurs environnantes dans les airs. La contrée de Canaan était réellement parmi les plus belles de l’îlot de Justice.
J'avais la tête un peu secoué, comme si j'avais frappé un mur, mais il s'agissait bien d'un homme, et plutôt grand même. Son grognement me fit reculer d'un pas supplémentaire, alors que je levai la tête pour le regarder. Il ne semblait pas méchant, juste un peu énervé, mais je sentais déjà mes pieds fourmiller, je n'aimais pas quand les gens étaient énervés. Les gens énervés font peur. Très peur. Et pourtant, d'un autre côté, j'avais envie de le faire sourire et de retirer cet air sérieux qu'il portait, tout comme ses vêtements sombres et bien repassés. C'est alors qu'une jeune fille sortit de je-ne-sais pas trop où, mais elle était là, portant dans ses bras des pivoines. Elle était beaucoup moins soignée que l'homme, comme si elle sortait d'un combat contre ces pauvres fleurs, les cheveux ébouriffés. Elle me sembla tout de suite sympathique; tous ceux qui s'intéressaient aux fleurs m'étaient sympathiques, parce que nous partageons ainsi un point commun. Elle essuya la terre sur sa robe déjà bien terreuse, sans me quitter des yeux. Je lui abordai un sourire des plus chaleureux, remis de cette rencontre soudaine avec cet homme qui n'avait pas bougé depuis, les bras chargés de pivoines que lui avait délégué la jeune fille.
Ses cheveux roses me fascinaient. Elle me tendit finalement ses mains un peu plus propre que je pris en serrant doucement, alors qu'elle se présentait. Atalante. Atalante. Atalante. Je ne dois pas oublier ... Oh, une prêtresse? Et cet homme s’appelait ... quoi déjà? Ga... Ga...? Je portai le blâme sur mon inattention du moment, alors que je réfléchissais sur le mot prêtresse.
Tu es née parmi les fleurs? Wow! C'est génial!
Je me souvins que je devais me présenter, moi aussi. Je relâchai sa main.
Je suis Blondie, apprenti jardinier! Encore désolé...
Je souris en direction du majordome, en espérant une réponse positive. Je ne voulais pas qu'il soit énervé contre moi, même si son énervement semblait maintenant plus sur la jeune fille. Je me demande bien ce que fait une prêtresse. Elle prie? Elle est en contact avec Thémis? Elle parle aux esprits? C'était fascinant.
Vous êtes venus cueillir des fleurs? Il y a une fête? Vous les faites sécher? C'est pour des offrandes?
Ce fut la vue d'un nouveau papillon qui me coupa la parole, je le suivi des yeux en résistant de partir à sa poursuite. Je dois être un bon garçon.
Sujet: Re: stolen moments ∞ libre Mer 27 Mai - 13:58
premiere rencontre
Elle opine du chef en se gonflant d’importance. Oui, tous ceux de son espèce n’ont pas la chance de naître parmi les fleurs. La jeune fille se sent un droit de propriété tout particulier sur les lieux puisqu’elle y a vu le jour. C’est d’ailleurs sous ce motif qu’elle s’autorise à voler les fleurs de quelqu’un d’autre. Garibaldi, la mine réprobatrice, se rend silencieusement complice de ce larcin. Ce n’est pas la première fois semble-t-il, qu’il assiste à ce spectacle. Les rayons du soleil deviennent de plus en plus forts, la chaleur qui caresse pour l’instant nos trois protagonistes les plonge dans un état de léthargie second. Le tuteur a le bon sens de tirer une ombrelle de sous son bras qu’il déplie au-dessus de la tête d’Atalante. Elle est sous sa protection après tout.
Celle-ci n’a pas cessé de fixer Blondie avec un intérêt déplacé. Elle s’émerveille de voir cette figure lui sourire en retour, s’étirer et se contracter au gré de la palette de ses expressions. Il aime donc les fleurs ? Il ne peut avoir un mauvais fond. Il a fait de cette passion un métier ? Atalante estime qu’elle peut parler à cet éphèbe sans réserve.
- Y a pas de mal petit, grommelle Garibaldi qui semble penser précisément le contraire. Il s’épargne les remontrances de la jeune fille qui, si elle est imperméable à la mauvaise humeur, ne peut tolérer qu’elle ait une incidence sur autrui.
Atalante baisse les yeux sur les pivoines, les cueillir était un caprice, elle n’a jamais songé que leur utilité pouvait dépasser le simple esthétisme. Mais comme elle ne veut pas avoir l’air bête devant le garçon, elle saute sur l’occasion.
- La célébration du culte c’est pour bientôt, alors il faut trouver des libations dignes de ce nom –ne sont-elles pas magnifiques ces pivoines ?- sur ces mots, elle attrape la tête de l’une des fleurs qui se sépare de la tige.
Atalante ne s’est pas encore accommodée de son enveloppe charnelle, ses gestes sont maladroits et brutaux. Elle respire à fond l’odeur de la pivoine et se délecte, un encens, voilà qui serait parfait.
- Ca fait longtemps que tu es ici ? fait-elle sans remarquer sa maladresse. Garibaldi, parfaitement immobile, s’applique à se fondre dans le paysage comme si par ce geste, il pouvait cesser d’exister. Le duo forme un étrange paradoxe.
Blondie
corps éthéré de pureté
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Sujet: Re: stolen moments ∞ libre Jeu 28 Mai - 23:44
Peut-être avait-elle un intérêt déplacé, mais le mien n'était pas des plus élégant. Mes yeux bleus fixaient ses cheveux roses, avec cette tentation de les toucher, de savoir s'ils étaient aussi doux que je l'imaginais. Je sentais mes doigts chatouiller, alors que je les avais caché dans ma paume, à l’abri. De son côté, l'homme ne semblait pas plus charmé par mes excuses que quelques instants plus tôt. Était-il toujours ainsi? Et pourquoi une prêtresse avait-elle besoin d'un majordome? Ou d'un tuteur? Il était lui aussi un prêtre? Je continuai de sourire, plongé dans ces pensées sans queue ni tête, jusqu'à ce que sa voix me tire jusqu'à la réalité, captant mon attention. Il allait bientôt y avoir une célébration? Ça alors! Je dois me préparer moi aussi, faire le tour des jardins et m'assurer que toutes les fleurs étaient belles pour l'occasion! Pourquoi personne ne m'en avait-il parlé? Soudain, pendant mon instant d'inattention, elle agrippa l'une des pivoines pour la porter à son nez.
« J'ai arrêté de compter les années, le temps ici passe tellement rapidement. »
Je m'avançai vers les pivoines, en tendant les mains. La mine du majordome me sembla sous le coup réprobateur, mais après-tout, ce jardin était public et ces pivoines étaient autant les miennes que les siennes.
« Vous permettez? »
Avec mon empressement habituel, je n'attendis aucune réponse de leur part et pris quelques pivoines et avec quelques mouvements précis, comme je le faisais si souvent, les fleurs se transformèrent en une couronne. Je dévoilai mes dents blanches à la jeune fille en posant la couronne de fleurs sur sa tête. J'espérais qu'elle allait être heureuse de mon petit cadeau. Après tout, elle aussi devait se préparer pour la célébration.
« Et vous? Êtes-vous ici depuis longtemps, Ata... »
Je me rattrapai en m'éclaircissant la gorge.
« ... prêtresse? »
J'espère qu'elle ne sera pas fâchée, ce n'est pas de ma faute. Je suis comme ça, même si personne n'arrive à le comprendre. J'oubliais toujours les noms et j'imagine qu'après quelques jours, j'allais même finir par oublier son visage et cette rencontre. C'était pour cette raison que j'aimais profiter du moment présent, sous ce magnifique ciel ensoleillé et parmi ces fleurs au parfum exquis.
Sujet: Re: stolen moments ∞ libre Jeu 4 Juin - 18:25
premiere rencontre
Non sans une certaine malice, Atalante saisit au vol l’un des regards de Blondie. Elle est heureuse de lui plaire, après tout, on ne peut pas dire que la compagnie de Garibaldi soit des plus épanouissantes pour la jeune dame. Elle hésite, cherche une manière courtoise de lui proposer de les toucher, craignant de se tromper sur la nature de ces coups d’œil insistants. Ses mots si sages, parviennent à ses oreilles comme une jolie mélodie dont elle aime les sonorités mais ne comprend pas le sens. Ainsi donc il vit ici depuis plusieurs années… voilà qui lui confère tout d’un coup une légitimité bien plus grande que la sienne. Elle ne se décourage pas, abandonne sa tête de pivoine et croise les doigts derrière son dos en signe de paix.
Il saisit sans le consulter plus longtemps, quelques fleurs dans les bras de Garibaldi. Ses gestes sont adroits et précis, comme quelqu’un qui a l’habitude de jouer de mauvais tour. Sous le regard ébahi d’Atalante, une couronne de pivoines apparaît, comme par enchantement. Elle est ravie, tape dans ses mains avec enthousiasme, suit des yeux le chemin de la couronne jusqu’à sa tête et l’immense sourire du jeune homme que rien ne semble pouvoir altérer. Ainsi consacrée par le pouvoir des saintes pivoines, elle se sent pousser des ailes et ne demande qu’à apprendre à en faire autant.
- Tu peux m’appeler Atalante ! Nous ne sommes pas au temple et puis… elle se penche vers lui, l’air conspirateur, ce genre de formalités, c’est surtout bon pour les pingouins comme Garibaldi. Petit clin d’œil.
L’intéressée fait mine de n’avoir rien entendu, occupé, à épousseter les pans de son veston. S’il souffre de la chaleur, il ne laisse rien transparaitre. Elle lui fait promettre de lui apprendre à réaliser des couronnes de fleurs.
- Je suis née il y a quelques mois… mais je garde pas beaucoup de souvenirs, lui sait mieux que moi. Fait-elle en tapotant le bras de son tuteur. Et puis faut dire qu’il compte les jours depuis qu’on l’a condamné à jouer à la nourrice.
Elle se détourne complètement et se déchausse, laissant négligemment trainer ses chaussures. Atalante aime sentir le contact direct du sol sur ses pieds. Elle fait quelques pas au-delà de l’ombre projetée par l’ombrelle. - Tu es né ici toi aussi ?