Et ça se finit ainsi. Il n'y aura pas de beau héros sorti de nul part pour venir te sauver, aucun moyen que survives. Il n'y aura pas de jolie fin, tu vas juste tomber et crever.

Ses parents sourirent quand elle vit le jour. Dommage qu'elle n'ait pas pu voir ce sourire, c'était le seul qui lui fut adressé. Ailse était une enfant désirée, peut-être un peu trop. Une fille unique de bonne famille, une fille sur laquelle tous les espoirs reposaient. Elle serait intelligente. Elle ferait de bonnes études. Elle serait gentille, elle serait délicate. Elle apporterait du thé à ses parents tous les matins et réviserait tous les soirs jusqu'à tomber de fatigue, elle aurait les meilleures notes que l'on puisse avoir. Ce serait le cas puisque son père l'avait décidé. Et sa mère... Sa génitrice. Un goût un peu trop prononcé pour l'alcool. Elle était toujours de l'avis de son mari, tant qu'il lui offrait des bouteilles. Il l'aimait. Il lui disait les rares fois où il était présent, une fois seulement avant de repartir elle ne savait trop où. Elle s'efforçait d'y croire, mais sans doute ce sentiment s'était-il évanoui au fil du temps. Elle ne l'aimait pas. Sa mère lui faisait bien comprendre que sa seule préoccupation était ses pauvres bouteilles. Une insulte, un coup, une bouteille cassée sur le sol et la faute rejettée sur elle. Cela différait chaque jour. Il le savait, et il n'avait jamais rien fait. Elle, elle ne les aimait plus.

Elle n'était pas intelligente, elle ne voulait pas faire de bonnes études. Elle ne voulait pas réviser tous les soirs jusqu'à en tomber de fatigue, elle préférait s'effondrer sur le toit du collège et attendre de se déssécher sous le soleil inexistant. Elle restait là toute la journée, à entendre les gens s'inquiéter de sa disparition au début, puis prendre l'habitude de répondre qu'elle avait encore séché les cours pour dormir sur le toit. Peut-être que d'une certaine façon elle se sentait supérieure ici. Elle n'était pas gentille. Elle ne l'avait jamais été. Se moquer des gens, les ridiculiser chaque fois qu'elle le pouvait, prouver qu'elle était supérieure. Et les gens se rangeaient de son côté. Ils craignaient qu'elle ne les roule dans la honte un jour. Elle était horrible et eux étaient lamentables.

Mais ça ne dura pas. Pauvre idiote. Ils se mirent à la détester, un à un, puis tous. Maintenant c'était d'elle qu'on se moquait, que l'on ridiculisait. Qu'importe. Elle s'en fichait, elle passait ses journées sur ce toit. Il avait changé, c'était celui d'un lycée. Elle restait allongée. Mais un jour elle s'était levée, et elle s'était approchée du bord. Il faisait sombre, elle ne vit rien. Elle sentit juste une pression dans son dos, puis le sol se dérober sous ses pieds. Elle passa de longues années à dormir, avant qu'on ne décide qu'elle ne pourrait plus jamais se réveiller.

Peut-être que si elle avait été cette princesse qu'il voulait qu'elle soit quelqu'un serait venue la sauver. Mais elle était juste cette méchante sorcière dont tout le monde se fichait de la mort. Aucun chevalier ne viendrait la sauver. Elle serait oubliée.

Et elle s'était elle-même oubliée. Son prénom, son âge. Elle se souvenait juste des noms des choses de ce joli monde, que celle-ci était une Balance. Une Balance qui venait de la nommer Sauvée et si elle s'était souvenue de sa vie, elle se serait sans doute dit que tout pourrait recommencer.