J'inspire. J'expire. Une nouvelle journée. Nouvelle nuit qui s'impose. Je fixe le ciel vide. Il n'y a rien de plus à rajouter. Je presse le pas sur le pavé. Les néons s'allument. Les Lampadaires. Libra s'endort. La ville se mue. Les rideaux de fers se referment. Les dernières clochettes tintinnabulent. Jusqu'à demain. Les pubs aguichent. J'en connais quelques uns qui attirent les badauds et les soiffards avec des happy hour. Buvez. Buvez. Buvons. Jusqu'à ce que la nuit pâlisse. Je n'ai rien de mieux à faire que de brûler mon sommeil le nez dans le fond d'un verre. De consommer jusqu'à ce que la sécheresse de mon coeur et dans ma gorge devienne oasis. Pas de lit étranger à visiter. De corps à enlacer. Je n'ai pas vraiment d'endroit ou reposer mes soucis du jour. Juste une nuit à cramer. À user. C'est un cycle infernal. Au goût âcre du rhum. Je me damnerai volontiers pour un verre d'absinthe.

Alors moi et mes fidèles bottes battons encore le pavé de Libra. Tricorne enfoncé sur mon crâne. Cela fait quelques jours que j'ai accosté la belle capitale. Une avant dernière nuit et je m'en irai. Je ferai voile vers Canaan ou Ethernite. Ma belle ville portuaire. Les embruns me manquent. Les vents tumultueux aussi. Je ne me sens jamais tant à l'aise qu'à bord de mon bâtiment. Je veux hisser mon pavillon. Parcourir les mers et attaquer quelques pauvres navires marchands ou encore attirer de nouveaux flibustier pour justifier quelques pillages. J'ai l'épée qui démange. Presque assez du marchandage. Je veux affronter l'océan. Y faire plonger quelques marins d'eau douce pour les faire draguer les fonds marins et repêcher quelques trésors. J'ai soif. D'argent facile et d'aventures. J'ouvre un bouton de ma chemise. J'ai la gorge qui brûle. Asséchée. Je tire une flasque de ma poche pour y boire une lampée d'alcool. De qualité. Mais j'ai envie de médiocrité. De tord boyaux qui pourraient réveiller un mort. De chanter sincèrement des chansons à boire. Je veux l'ivresse.

J'ouvre les porte d'un bar miteux. Enfin. Sombre. Ma belle chemise blanche et ma longue veste tissée d'or ne collent pas au paysage. Moi non plus. Peu importe. Mon sabre dissuadera les plus peureux et ma dague plantera les courageux. Qu'ils s'approchent s'ils l'osent. Qu'ils viennent. Je m'installe au bar. Dépose mon tricorne sur mes cuisses.
-Donnez moi ce que vous avez de plus fort.

Whiskey. Rhum. Brandy. Bourbon. Scotch. Je ne suis pas difficile. Verre sitôt servi que je le vide. D'un coup sec. Le liquide ambré m'arrache une belle grimace. J'esquisse un sourire mutin. Je n'étais pas d'humeur à savourer. J'ai soif. Si soif. Qu'une nuit entière ne pourrait subir à l'étancher. Et je n'ai pourtant pas l'envie de patienter. Je réclame sans un attendre un autre verre.