Enfance. Différence. Innocence. Adjectifs manquant un peu de sens pour cette époque à laquelle tu portais peu d'importance. Et pourtant ... Tu te rappelles de parents aimants, de bras t'enlaçant. Autant de moment de tendresses que de tristesse. La nausée te prend, tu veux vomir. Tout ceci est bien beau comparé à ce qui va suivre. Famille banale donnant naissance à un enfant un peu spéciale. Toi. Toi qui a des cheveux blancs. Albinisme, anomalie ? Tu ne te souviens plus vraiment. Mais pour résumer tu as des cheveux blancs. Quelques regards étranges posé sur toi, les questions fusent dans des lieux sans nom.Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Disent les voix fluettes. Tu ne sais pas. Tu es différent. C'est tout.


« Tu vas bientôt mourir Jon ? » Jon c'était ton nom d'avant. Il fallait bien que tu portes un nom, non ?

« — Je ne pense pas non. Pourquoi ? »
« — Mon grand-père avait les mêmes cheveux que toi. Et il est mort. »

La gamine te jeta un regard bleu. C'était la couleur de ses yeux. Tu la fixes, tes prunelles étranges, elle ne connaissait pas les émotions dans ton regard. Et tu détournes le regard.

Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?

Ne me demande pas ça à moi, ce n'est pas de ma faute si tu es différents. Tu devais avoir dans les alentours de onze ans. Les années filent, les cœurs changent, la curiosité dans leur yeux deviennent un mélange de mépris et d'orgueil né de cette différence qui vous sépares toi et les autres.


La différence t'engloutit. Tel un ouragan, elle détruit ton monde petit à petit. Les moqueries paraissent comiques. Les visages d'un côté rient et de l'autre méprisent. L'orgueil les lient. Ils ont tous pareil, pareil, pareil. Tu détestes le collège. Tu détestes les gens. Ton quotidien est horriblement pathétique. Tout alterne entre les cours et les moqueries, tes parents sont absents, le réconfort que tu connaissais dans tes souvenirs a disparu. Tu es seul avec cette putain de tignasse blanche, face à ce monde cruel et étrange. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? L'enfant tragique ne comprend toujours pas.

Et lorsqu'on te laisse le temps de respirer tu t'échappes, où ça ? Même toi tu ne le sais pas. Un bonnet cachant cette couleur que tu hais tant. Le blanc. Et tu observes le monde déambuler autour de toi, parce que ce sont les seuls moments où les regards ne sont pas braquer sur toi. Mais tu restes seul, seul, seul. Tu ignores comment parler aux gens, tu ignores comment se lier avec eux. Tu as beau grandir seul ta haine et ta rancœur semblent mûrir. Pauvre enfant.


La fumée danse dans les airs. Gracieuse, fluide, aussitôt sa beauté montrée elle se dissipe. Et alors que tu inspires, le mélange de tabac et d'herbe te fait tourner légèrement la tête. Tu es bien. Tu te sens bien. Quelqu'un te demande de faire tourner. Tirant une dernière taffe tu fais passer d'une main fébrile le joint. La voix te fait doucement rire, tes yeux sont rouges, t'as l'air d'un gamin. Qui sont ces types ? Tu ne sais pas, ils sont avec toi aux collèges ils ne sont même pas tes amis. Mais ce genre de chose ne se fait pas seul n'est-ce pas ? De toute manière l'an prochain tu ne les reverras pas. Le lycée t'attend à ce que tu comprends. Mais pour le moment t'es bien, parfaitement bien, le bonnet sur ta tête cache toujours tes cheveux, comme un masque cache les visages hideux. La fumée s'échappe doucement de ta bouche accompagné de ton léger souffle tu rigoles encore un peu avant de pouvoir fermer les yeux.


C'est devenu quotidien. Comme une sorte d'échappatoire à cette tragédie qu'est ta routine. Puis ça devient insuffisant, tu enchaîne, joint sur joint. Rien à faire t'as besoin de plus. Tu demandes encore, encore et encore les réponses sont les mêmes. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?  Parce que sinon tout va redevenir comme avant, tu ne veux plus sentir leur regard rivé sur toi, tu veux oublier. Tu veux ... Tu veux .... Quel est le but de ta vie déjà ?


Tout juste arrivé au lycée tu décides d'arrêter les cours. Tes notes sont aussi mauvaises que la relation que tu entretiens avec l'ensemble des élèves. Tu n'as pas d'avenir t'en as conscience. Mais tu t'en fiches, qu'on te passe une seringue. T'es pas un peu trop jeune pour ça ? Ouais un peu quand même, sur le point de le faire tu reposes le matériel. Attend un peu quelques années avant de t'autoriser à le faire. T'es pas si désespéré que ça à ce que je sache. Tu squattes souvent le même endroit la journée, une usine délabrée remplis de junkies en tout genre. Dedans y'a un type de ton âge, il s'appelle Robb. De ce que tu sais il a fugué de chez lui, son père abusait de lui selon les rumeurs. Tu t'en fiches de sa vie comme il s'en fiche un peu que tu aies des cheveux de vieillards. Vous causez de temps en temps, en fait vous fumez et buvez beaucoup mais vous causez tout de même. Vos journées ne ressemblent à rien, mais c'est mieux ainsi mieux vaut rire d'une vie que d'en pleurer. Tout semble mieux si on rigole. C'est ce que disait souvent  Robb quand il était défoncé.


Alcool.
Drogue.
Résultat ?

Addiction. Les yeux cernés tu restes un moment allongé sur le sol, Robb ne doit pas être loin. Quoiqu'il en soit t'es mort. Tu manques d'argent en ce moment, du coup tu piques un peu à tes parents et tu tabasses quelques fragiles de ton ancien lycée. Une manière ou une autre de venger. Chacun sa technique. Qu'ils aillent tous se faire enculer, personne ne peut te faire passer ton envie de fumer. Robb est le seul qui comprend ça, personne ne vaut mieux que l'autre. C'est pathétique. Comme l'ensemble de ta vie j'ai envie de dire.


« Jon. » La voix rauque de ton ... Ami t'interpelle. Elle est faible, basse et légèrement briser par un sentiment ressemblant à la tristesse.

« — Quoi ? »
« — Tu vas bientôt mourir ? »

... Déjà-vu.

« J'en sais rien. Pourquoi ? »  Pourquoi ? Pourquoi ?

« — 'Sais pas. Tu fumes beaucoup, tu bois beaucoup. Plus que moi j'crois. »

...

« J'ai pas envie que tu crèves, Jon. »

« — Je sais, Robb. Dors maintenant. »

Et il ferma les yeux. Il avait l'air d'un gosse comme ça et au fond ça  t'énervait.

Parce qu'il avait le visage de quelqu'un qui avait encore un semblant d'avenir face à lui.


Tout est flou. La seringue et tout le bordel est par terre. Tu sais pas vraiment ce qu'il t'a prit et ni combien de temps de temps tu as fais ça. Tu te sens mal, mal, mal. Quelque chose remonte, sort de ta bouche. Qu'est-ce c'est ? Une voix au loin t'appelle, elle répète la même chose. Pourquoi tu as fais ça ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?. Tic. Tac. T'entends l'horloge tournée il n'y a aucune horloge dans les environs.  

Overdose.


Oxyde. C'est ton nom. Tu ne te souviens plus de rien. Comme tout le monde, exception à cette voix et un sourire qui se dessine parfois dans ton esprit. À qui appartenait-il. Tu ne sais pas. Tant pis. Ça fait déjà quelques mois mais cette douleur au poumon ne te quitte pas. Ton prix pour venir ici était de sacrifier une partie de tes capacités pulmonaires, respirer est pour toi tout à fait possible mais tu ne peux pas trop forcer. Ton inconscient trouve ça purement ironique. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Tu ne sais pas et tu ne sauras jamais pauvre Oxyde.