« humanity is a curious thing, we're so similar but so different at the same time »
T'es un con. Mais alors un gros, gros con, Dog.
Ok, c'est net, tu l'as toujours été, et t'as pas eu d'aide. Encore moin de ta mère. C'est marrant, non, dans ce genre de cas, il faut toujours quelque chose qui ai à voir avec les parents. Bah toi, c'est ta mère. « Dog ».
Et, Dog. C'est ton vrai nom ? Bah aller, pourquoi tu réponds pas ? Ouai. Tu sais pourquoi tu réponds pas..parce que niveau langage, t'es pas le plus habile hein..tu sais que dire de la merde, de toute façons. Jamais de mots gentils, jamais d'affection..seulement des crachats acides de haine et de peur. Tu te renfrogne, tu te mords les joues, et au final, le seul langage que tu piges vraiment, et dans lequel tu es fluent, c'est celui des poings.
Ça étonne personne. T'es qu'un connard à problème, comme y'en a toujours eu, et comme y'en aura toujours. T'aimes pas ta vie, et la vie t'aime pas. Si t’arrêtais de la bafouer en même temps...
T'en es trop déconnecté pour ça. Trop morose, parano, complètement détraqué par une « enfance difficile donnant un individus fragile ». Fragile, toi ?..Que dalle !
Enfin, ça c'est ce que tu veux croire. C'est dommage, quand même, tu passes pour un vrai enculé, une saloperie ignorante et renforcée sur son fondement, typique du bayou, mais au final, t'es qu'une méprisable petite victime qui s'est laissée embrigader dans la ville, qu'a posé le bras sur la langue de l'alligator, et qui a compté les tacs et les tics avant qu'il referme sa gueule pour chouiner qu'on t'a pris un bras. Mais tu réalises pas. T'aimes trop peu la vie qui se rapporte à toi pour y faire attention. Tu sais quoi, Dog ? T'es un type banal. Intelligent, mais égoïste. Compréhensif, mais asocial. Aimant, mais trop haineux. Un déchet plus qu'une ordure, composé de nuances trop complexes à gérer pour ton cerveau en surchauffe constante. Jusqu'à l'explosion finale.
« we're about to open a door which had been closed a long time ago »
Dog, c'est même pas un prénom. Ouai, ok, là, ça peut paraître classe, parce que c'est de l'anglais, tu vois, ça fait rebelle. Mais c'est comme si ton chien s'appelait « humain », ou ton copain ,« chien ». Direct , ça sonne davantage comme une insulte...pourquoi ? Parce que c'en est une.
Floride, USA. T'es né dans une maison pourrie, dans un coin humide et infesté de moustique. Ta mère était une cajun, la peau blanche et le cheveux sombre, presque noir...'Parait que ton père la méprisait, parce que ce n'était qu'une pleurnicharde et bonne à rien de française. Mais tu peux pas juger, vu que la seule chose que t'as hérité de lui, c'est ce prénom qu'aurai jamais du être accepté.
Dog. « Parce que tu ne sera jamais qu'un chien, comme ton père ! ». T'as quel âge quand t'entends ça ? 12 ans ..? Peut être 14, voir même 15. C'est un peu surfait, dans ce genre de milieu, ces histoire de chiffre et d'âge. Puis bon, se rappeler de ça...tu l'écoutais déjà sans rien dire, dans ton débardeur usé, les yeux mornes fixés sur cette femme imbibée de l'absinthe de l'état voisin. Elle était belle pourtant...Tu aurais voulu essuyer ses mains, poser tes mains rêches sur les joues de pêche qu'elle avait encore, malgré le flasque évident qui commençait à apparaître sous la vinasse. Même son corps était encore doux et fin, trop fragile, trop abîmé.
A la fin,tu ne l'écoutes même plus, tu prends quelques affaires, et tu t'en vas. Adieu, la Floride, bonjour la Louisiane. T'as pas de regret, et sans un regard en arrière, tu grimpes au bord d'un de ces bus de la Greyhound Compagnie, fixant de tes yeux sombres la route qui défile, jusqu'aux chatoyantes couleurs de la Nouvelle Orléans. T'as 19 ans, et lu assez de bouquin qui parlaient de cet endroit, entendu assez de rumeur, pour vouloir te perdre dans les humeurs de la ville, et t'agiter comme tout les autres gamins perdus du Vieux Carré, le quartier français où ta peau blanche et tes cheveux noirs ne seront plus qu'un atout de séduction.
Alors tu t'y jettes à corps perdu, t’enivrant d'alcool à même les goulots de verre ou les lèvres chaudes, enfilant les colliers jetés des chars, te parant du violet, de l'or et du vert du Mardi Gras...Tu jouis de cette liberté nouvelle et folle, jusque t'enfoncer toi aussi dans les affres délicieuses de la boisson à la fée verte.
Dans la foule et ses délires, t'as regardé ci et là, le crâne extasié et l'esprit survolté, t'as croisé son regard, il a croisé le tiens, il était pas trop mal , un peu plus vieux, peut-être..et vous avez couru au ralentis les bras l'un dans l'autre pour aller baiser comme des lapins contre des poubelles. Simple, Efficace..dans les années 80, vous auriez fini morts, terrassés par la maladie de l'amour. L'alcool ne fait pas de transition comme les beaux romans.
Tu trouves ses bras et t'y complaît, l'enlaces, l'enserres et le marques, finissant en lui, et t'y endormant toute l'agonie de la nuit . Au matin, l'alcool t'enchante, te hante, et ton crâne trouve repos contre une chaire tiède au cœur battant. Le paysage est ce qu'il est, ruelle jouxtant la Rue Bourbon, envahie de perles tricolores, de confettis détrempés..et vos deux corps avachis et entremêlés..Tu te redresse, mais les chapelets du Carnaval lient vos cous, vous retenant l'un à l'autre, vous liant d'une façons sacrée de la magie profonde du Quartier. Et il se réveille, aussi calme qu'il le sera toujours.
C'était un joli début, autant dans ta propre vie, que cette vie à deux, durant quelques années. Tu grandis, ton corps se durcit, ton regard aussi..Quatre ans, maintenant, que peu à peu, ton passage du tendre adolescent au langage cajun à l'adulte renfrogné se fait plus sombre. Peut-être que les esprits malins de cette nuit là n'ont jamais trouvé la sortie de ton crâne...Tu commences à devenir plus violent... t'emporter... le vouloir pour toi seul, qu'il te prouve tout ce qu'il peut te prouver... qu'il te donne davantage qu'il n'ai...
Au fond de toi, tu as peur qu'il s'en aille...peur qu'il abandonne le chien sauvage et enfuis de fourrière que tu es persuadé d'être. Alors tu mords et plantes les crocs, le retient en tirant, l’entraînant sous l'eau..Et lui, il essai de nager à la surface, étreignant de rares soirées de solitude en compagnie d'un verre comme bouée, pour ne pas te quitter.
C'est comme ça que tu l'as fais se réfugier dans d'autre bras, à force de le battre des tiens..et lorsque tes yeux ont vu sa trahison, tu t'es pris un miroir dans la face et t'as pigé.
Tu seras jamais qu'un chien, comme ton père.
En fait, il avait du se barrer,ce père. Parce que ta mère était irascible, ou peut-être l'est-elle devenu ? Et toi, t'es un chien parce qu'elle t'a appelé comme ça, ou l'nom aurait rien changé ?...Tu piges plus rien, t'as ton monde qui s'écroule, et quand, une fois cet homme en face de toi, tu lui balance que tu sais et que tu as tout vu..il reste ainsi, comme toujours..comme cette première fois, avec les perles dorées qui lui allaient si bien autour du cou. Et il t'explique.
Qu'il t'a trompé, parce qu'il a trop bu.Et qu'il a trop bu, parce que, tu vois, petit chiot, t'es mignon, mais t'es franchement gonflant en ce moment. Et violent qui plus est. Alors tu le frappes. Et ce sont plutôt jours de regrets, d'angoisse et de peur qui t'étreignent la gorge..comme autant de chapelets vissés et entortillés..
T'as 23 ans. Quasiment 24 , en fait..dans un mois ou deux..Et tu te décides à changer, à devenir quelqu'un de bien, qui sera affectueux au lieu d'être violent, doux, au lieu de gueuler comme un blaireau à en réveiller les morts du cimetière Saint Louis. T'en fais même le serment, un soir où tu le regarde dormir, son œil couvert par ta seule et unique faute. T’arrives même pas à te dire qu'il l'a bien mérité. Tu l'aimes trop. Alors t’essaie..mais en vain.
Y'a rien qui change, bien au contraire..pour un sourire devant son sourire, tu foires ton rasage pendant trois jours. Et tu vois les mains décharnées de ta mère t’entraîner dans la boue des rives du fleuve St John..tu sens son âcreté envahir ta bouche...et quand tu l'embrasses, t'as l'impression de la lui vomir dans les tripes..quand tu vois sa nuque en sueur sous ton corps,t'as l'impression de le voir flotter. Et t'as envie de le couler.
C'est comme ça que ça finit. Une soirée chaude, où toutes les fenêtres du Vieux Carré sont ouvertes, pour laisser les habitants se dépêtre de l'atmosphère aussi moite que le corps d'une femme. Tu sais qu'il est dans le salon, dans l'endroit le plus frais de votre nid d'amour violent et amer. Et toi, t'es au fond du couloir, le cœur battant et le cul par terre, à charger ton pistolet. T'es même pas sur qu'il marche encore..tu le traîne depuis que t'es sortis du nid, depuis ton trajet en bus, sans avoir jamais eu à le sortir. Si ça se trouve...Non. La détonation est nette, la douleur aussi, une sorte de froid brûlant..ou de bouillonnement glacial.
Mais t'as du oublier un truc, non ? Tu viens de vérifier s'il marchait bien sur le gars qui t'a volé une étreinte et rendu fou en posant les lèvres sur son cou. T'aime pas le dire et t'assume pas, mais tu viens de te payer un bon crime passionnel dans l'dossier en butant son amant d'une gorgée de trop, connard. C'était non-nécessaire au possible, et profondément stupide. Surtout après tant de temps. Nihilisme, quand tu nous inspire..
T'es un con, Dog. Un gros gros con. T'as visé la cuisse, la veine qui la traverse, parce que mine de rien..t'as pas envie de lui offrir ta gueule défoncée à embrasser. Et puis comme ça..c'était moin dur que le cœur. Mais ta veine à beau avoir explosé, tu mets sacrément du temps avant de te vider de ton sang. T'as l'impression d'avoir le temps de faire encore plusieurs aller-retour jusque cette ruelle ou t'a étreins pour la première fois.
Lui, il est venu sans un bruit, calmement. T'as planté tes yeux humides, fiévreux, dans le seul qu'il lui reste, et tu t'es mis à chialer. Le chien qui gémit et qui pleure pour la première fois de sa vie. Tu supplies..qu'il te pardonne..qu'il t'en veuille pas..c'est pas lui..c'est ta vie..les démons qui te poursuivent, qui gueulent et hurlent dans ta tête, se foutent à t'choper comme une marionnette..que toi tu l'aime,qu'à chaque fois que tu lui a fait du mal..t'aurais voulu souffrir à sa place.
T'as de plus en plus froid..tu grelottes, et lui, il s'assied près de toi, te prend dans ses bras et te murmure combien il t'aime. Ta chaleur se barre avec ton sang, alors que son corps se substitue à elle. Tu ne sens plus ta main, comme tu ne sens pas la sienne qui la saisit et la serre, enlace le pistolet en restant joint à toi, pour poser son canon contre ses lèvres.
T'as presque plus de voix, et tu balances tes derniers mots.
« ...fais pas ça..t'as une jolie gueule..quand même.. »
Il te sourit, et rabaisse l'arme pour t'embrasser. Tu sens pas la déchirure qui explose ton cœur en une bouillie sordide. C'était son dernier 'ta gueule', avant qu'il n'explose la sienne. Même en ne pouvant pas vivre l'un avec l'autre, c'était impossible de vivre l'un sans l'autre.
Sous la chaleur du Quartier Français, la nuit s'engorge d'une nouvelle odeur, parfum de fleurs pourrissantes et carnivores, se nourrissant et s'affalant l'une dans l'autre dans une ultime embrassade au goût de poudre et d'acier.
Et toi alors, Dog...tu l'vois le paradis des animaux ? Tu sais pas. Tu sais plus rien. T'as passé le test, grâce aux offres aléatoires. Aller, pour avoir le bon pourcentage, on va en foutre un là, et un là..un damné..un sauvé..t'as eu du bol, et il a fallut que tu crèves pour ça. Pas de tribus, un sauvé..
T'aurais peut-être préféré être sauvé avant, mais eh..c'aurait été moins marrant. Du coup..maintenant t'es là. A Libra. Et comme si ça changeait pas, tu bosses avec les ordures, histoire de pouvoir rien branler de tes journées, et fournir le moins d'efforts possible, pionçant le reste du temps. C'est bien qu'il faut de l’énergie, pour combattre les démons coincés dans ta tête..t'es tout seul dans c'combat, maintenant.