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 mes illusions donnent sur la cour •• vox

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coeur souillé de noirceur
Camélia
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coeur souillé de noirceur


Masculin

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MessageSujet: mes illusions donnent sur la cour •• vox
mes illusions donnent sur la cour •• vox RxkgjUaMer 21 Jan - 3:38

des horizons j'en ai pas lourd

Il ne se souvenait ni du sable, ni du sel. L'écume avait séché à l'intérieur de sa tête et en tarissant elle avait emporté toutes les choses de son cerveau. Les laides, les moins laides, les inexorables, sans faire de tri ; la mort n'avait pas pris de peines. La mort l'avait blanchi sans différences de tons. Elle avait fait s'évaporer les substances très importantes qui donnaient du sens à son prénom, à celui gravé sur sa carte bleue, à celui sur ses bons de fidélité, à la façon dont poussaient ses cheveux. Mais ça n'avait plus d'importance.
Il ramassa un galet.

L'au delà, il ne l'avait pas imaginé comme ça. Il ne l'avait pas imaginé tout court. Ses couleurs lui semblaient trop vives, ses jours trop longs, ses rêves profonds ; il s'y perdait comme il se perdait dans ses propres sourires lorsque les gens pénétraient sa boutique. Alors ils étaient comme des fantômes, et plus fantôme encore, il restait là avec des morceaux de lui à bout de bras pour les accueillir. Il leur disait de se sentir comme chez eux alors que depuis le premier jour il ne se sentait pas comme chez lui.
Il longea le rivage.

Parfois il s'arrêtait de brasser dans ses chaudrons, se disait que peut-être tout ceci n'était qu'un mensonge ; il avait des sursauts de peine qui lui disaient de ne pas rester là. Quand il levait les yeux il cherchait parfois des échafaudages, le coin d'un plafond, une striure, un signe. Quelque chose de concret dans cet espace qui cessait de le faire exister. Mais il ne trouvait pas de plafond, pas de striure. Il n'y avait pas de signe. Dépité il disait à sa peine d'attendre un peu, de voir. Et puis il restait.
Il quitta le bord de la plage.

L'éden lui paraissait un petit pays mais qui n'avait pas de frontières. C'était tour à tour un curieux biotope et puis un néant. Dans ses pensées s'évanouissaient les contours, les pleins, les attentes ; il n'y avait plus que des déliés et des idées filiformes qui s'incurvaient tellement à l'intérieur d'elles-mêmes qu'elles disparaissaient. C'était comme un désir mort-né, l'exuvie d'un tout petit espoir. Parfois il voulait faire de grandes choses, parfois mourir une deuxième fois. Ça changeait comme la couleur brûlée du chocolat.

Ethernite, c'était la première fois qu'il venait, pourtant le bruit délavé de son eau sonnait contre son dos comme un cri séculaire. Le son blanc de ses pas restait ectoplasmique plusieurs mètres derrière lui ; il passait sur les chemins où le soleil clair traçait distinctement une ligne droite, et comme une silhouette chronophotographique il restait marqué un instant sur le blond de la lumière. Si l'on crevait du bout des ongles un petit trou de ver, un souffle d'air, il aurait pu se glisser le corps entre les dimensions et revenir sang et âme à Monaco. Monaco l'avait connu dans ses ombres qui déteignaient sur le vieux port, sur l'ancien or de sa peau, sur la dernière heure de son existence, dans une déchirure du silence. Mais aujourd'hui Camélia n'avait pas tant besoin du silence.

Aujourd'hui il s'était senti frappé par un volcan lorsque Sucre lui en avait parlé. De ce garçon étrange aux yeux doubles, qui travaillerait pour lui s'il se sentait d'ignorer la violence de ses frasques. Camélia avait lui-même trop de violence au bout des doigts, et de si bonnes idées plein la tête. Il n'avait plus rien à perdre sinon la poussière incrustée dans le fond de ses tympans. Ça prenait trois lettres, un monosyllabe qui claquait entre la langue et la face cachée des dents - Vox. Le contrepoint d'une voyelle ronde dévorée par le tranchant de deux consonnes.
Il regarda le ciel comme pour lui donner du bleu de ses pupilles. Il avait sous le bras une boîte de chocolats.

Il lui avait envoyé une lettre pour lui donner rendez-vous ici ; sa missive n'avait pas eu de réponse. Mais Sucre lui avait dit qu'il était très ponctuel. Revenait-il seulement chez lui ? Froissait-il son courrier sans y jeter les yeux ? Peut-être qu'il n'aimait pas lire. Peut-être qu'il était indisposé.

Ce n'était pas grave s'il ne venait pas, Camélia distillerait sa journée dans les rayons, le sable et le sel.

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conscience vouée à l'errance
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MessageSujet: Re: mes illusions donnent sur la cour •• vox
mes illusions donnent sur la cour •• vox RxkgjUaMer 21 Jan - 22:41



J'ai attrapé le mégaphone, raclé ma gorge.

Un deux un deux j'aurai dû vérifier le son peut-être. Mais qui a le temps pour ce genre de préparation ? Je ne suis pas un mec méticuleux, je suis pas non plus perfectionniste. De ma concentration mon état en a fait du hachis parmentier et l'a servit tout entier à mes entrailles. Je l'ai fondu en ciment pour mon esprit, en engrais pour ma patience envers moi-même. C'est vrai que je l'ai longtemps prié au silence complet. Mais au fond est-ce la solution ? J'ai relevé le mégaphone et rétracté mon ventre, déployé ma cage thoracique sous une inspiration sifflante. Au fond j'ai peur de ce souhait, j'ai peur qu'il se réalise totalement et que non seulement moi, mais le monde entier devienne un vague blanc sans matières auditives. Serai-je alors le seul à pleurer le sol vrombissant d'Ethernite ? C'est une bouffée nasillarde qui est sortie d'entre mes lèvres.

[Hurlement]

Le monde s'est retourné, un instant, le temps de constater sûrement qui est assez fou pour oser faire plus de raffuts que la ville elle-même. Puis ils m'ont sûrement reconnu, au moins ai-je le privilège de cette célébrité : celle qui fait héler les gardes.

[La gorge sèche, les mots qui tremblent et s'étouffent sous leur propres intonations trop aiguës] JE ME SUIS ÉPRIS D'UNE VISION DE CELLE QUI BRÛLE DANS LE FOND DES IRIS VOUS SAVEZ VOUS NE SAVEZ RIEN SI CE N'EST QUE NOUS SOMMES TOUS DES PANTINS DE LA TRAITRISE NOUS SOMMES DES MENTEURS QUI RIONS POUR FAIRE PASSER LE TEMPS QUI NE SIGNIFIE PLUS RIEN REGARDEZ VOTRE VOISIN REGARDEZ VOTRE MIROIR QUE VOYEZ-VOUS SANS LE PASSAGE DU TEMPS QU'ELLE RAISON POUR VIVRE QU'ELLE RAISON DE SE SENTIR LIBRE SI C'EST POUR ÊTRE PRISONNIER A JAMAIS DE NOS ÉTATS HUMAIN JE VOUS LE DEMANDE QUE VOUS RESTE-IL DE VOTRE HUMANITÉ UNE FOIS QUE L'ON VOUS A RETIRÉ LA SEULE MESURE SUR LAQUELLE VOUS POUVIEZ UNIVERSELLEMENT VOUS JUGER ? [l'onde s'est brisé, il s'est mis à tousser dans le cône, se pliant en deux un peu, tout en haut de ses caisses empilées à la va vite. Il s'étouffe de plus en plus, demande de l'eau mais les mots ne sortent pas d'entre sa bouche. Personne ne le regarde. Personne ne regarde ceux qui sont au banc des sociétés. Il a sa vue abaissé sur le sol, sur ses pieds fermement chaussés. Il a une moue de dégoût alors qu'il se calme et que sa respiration, petit à petit, reprend une allure acceptable. Il a passé une main fébrile sur le côté droit de son visage, refermant ses paupières sous la caresse de ses doigts tremblant.]

Encore aujourd'hui personne ne m'écoute, comme d'usage, comme d'usage....C'est pas grave si je m'étrangle avec ma propre salive, c'est pas grave que je me morde la langue jusqu'au sang, c'est pas grave si le « faux prophète » tombe de son trône de bric et de broc. C'est pas grave de se rompre le cou. Plus rien n'a d'importance.

Il se relève d'un seul coup, comme portant le poids de sa révolution miniature.

[il hurle avec rage, oubliant sa voix ridicule qui l'est d'autant plus à cause de son nez bouché] C'EST PAS GRAVE DE CREVER TEL UN CHIEN ? QUELLE IMPORTANCE À LA SOUFFRANCE LORSQUE PLUS PERSONNE NE PEUT RÉELLEMENT MOURIR ? C'EST PAS GRAVE DE PLEURER PARCE QU'ON A FAIM, PARCE QU'ON A FROID, PARCE QUE LE MONDE AUTOUR DE SOIT EST ENCORE PLUS FRIGORIFIÉ QU'UN LAC GELÉ ? [il pointe n'importe qui du doigt] VA TE FAIRE FOUTRE ! ET PUIS TOI AUSSI ? OÙ ÊTES-VOUS POUR CEUX QUI ONT MAL ? ET VOUS VOUS APPELER HUMAINS ? ET VOUS PENSER ME FAIRE GOBER VOTRE LÉGITIMITÉ EN TEMPS QU'ÊTRE CONSCIENT ? ALLER TOUS VOUS FAIRE VOIR JUSQUE DANS LES FOURNAISES DE CETTE VILLE ! AU MOINS SONT-ELLES PLUS ACCUEILLANTES QUE VOS FACES SANS AUTRE REFLET QUE L'ENNUI. [il se ramasse une tomate sur la tronche, ce n'est pas prévu mais il a l'habitude, on lui hurle dessus peut-être, lui il en a rien à faire, il rit à l'intérieur. Il ne les entend même pas, les trompettes et cors sont en train de hurler en lui, de lui arracher les viscères.] QUE SAVEZ-VOUS DE LA DOULEUR HUMAIN ? VOUS N’ÊTES QUE DES COPIES DE VOUS MÊME RÉVEILLEZ-VOUS ! RÉVEILLONS-NOUS CONTRE THEMIS ! [ les bouches se déforment devant lui, on a retiré l'une des caisses et son échafaudage est en train de tomber sous les clameurs des personnes autour. « Dégage Faux Prophète, va emmerder un autre marché ! » « Dégage vagabond, va mener ta face de monstre dans les caveaux voir si les rats y sont ! »]

Je suis tombé sous leur feulement : mon petit corps s'est écrasé sous l'étale en contre bas, me ramassant des claques du marchand auquel j'ai ruiné le poisson. C'est un quotidien comme un autre alors que je roule sur le côté, le faciès rouge de peine. Mon dos a ramassé, mes genoux ont ramassé, mais j'entends les « PLACE PLACE !» des hommes qui peuvent vous matraquer en toute impunité. J'ai amassé alors mes jambes et je me suis barré tel un chien affolé. J'ai poussé autant les hommes que les vieilles dames sur mon passage, en pleurs parce que je sais pas faire, retenir à l'intérieur les émotions. C'est moi qui m'en fous de vous, humains, c'est moi qui n'ai pas de pitié pour un enfant qui chiale. Je me dégoutte et me rebelle en même temps. J'ai une excuse après tout, quelle est la vôtre ? J'ai détalé tel un lapin pisté par les chiens. Donnant des coups d'épaule dans la foule. Jusqu'à l'air confiné de quelques boyaux, jusqu'à crapahuter quelques murs pittoresques. Puis enfin, j'ai touché l'air saturé de sel.

Le ciel, il n'y a que ça de vrai pour Vox, la preuve que quelque chose d'intouché est la marque de fabriquer de la plus naturelle des beautés. Un espace qui appartient à tout le monde sans que personne ne puisse jamais l'enfermer, de l'équité pure. Il aime le ciel qui n'aime ni ne favorise personne. Il a passé une de ses mains sales dans sa paillasse blanche, y a déposé de la poussière et en a retiré de la friture ; un reste de l'étale sur laquelle il s'est vautré un peu plus tôt. Il rit alors à gorge déployé avant de se tenir les côtes, puis de rentrer son visage amoché par des tomates et de la farine contre ses trop grandes jambes. Il vient de perdre une nouvelle casquette, c'est un drame en soit. Il n'a plus rien pour se protéger de la perfection du soleil maintenant. Il déteste ce type. Sûrement parce que tout le monde l'aime.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté là, puis j'ai défait les lacets de mes pompes pour pouvoir les retirer, les lier, et les porter sur une épaule. J'ai fourré mes chaussettes dedans, bien au fond, puis j'ai laissé bouger mes doigts de petons en frissonnant lorsqu'une brise a glissée dessus. Il y a un moment j'ai reçu une lettre, en soit c'est un miracle que je m'en souvienne encore. Mais voyez-vous, même si je n'ai pas tout compris -migraine de passage qui toujours me fait chiffonner les mots dans mon esprit- j'ai lu Sucre. C'est suffisant n'est-ce pas ? Je me rappelle que sucre à envie de me voir sur la plage. J'aime bien ce mec, tout en bagou et bonne camaraderie, même dans ses insultes. Le seul marchand qui n'a jamais craché au sol parce qu'aujourd'hui fut ma journée chez lui. Ou peut-être que si, j'ai pas remarqué en tout cas, ce qui compte c'est que sa porte m'est ouverte lorsqu'il est derrière. De son appréciation muette est née ma confiance.

Il finit par redescendre de son perchoir après un moment à rêvasser sur les guimauves succulentes de Sucre, celles de toutes les couleurs, celles qui occupent toute sa salive avec délice. Il a déambulé dans les recoins peu recommandables des rues sans se faire embarquer -on ne cherche pas noises à un fou- pour enfin déboucher sur la plage. Rien à des kilomètres, si ce n'est l'eau et le sable. Il a battu des cils en plissant ses paupières sous les intenses reflets dont s'est paré la mer, puis il a détourné le regard jusqu'à apercevoir une silhouette qu'il ne connait pas. Seule à l'horizon. Il tire une grimace. Il ressemble à ça Sucre ? Non hein, il s'en souviendrait tout de même si Sucre eut un jour cette carrure. Ou peut-être pas ? Il s'énerve tout seul mentalement, a-t-il oublié ? Ou est-ce juste un badaud comme un autre qui se fait dorer sous les rayons de chaleurs ? Il arrive chiffonné jusqu'à lui, reniflant un peu sur les bords, la voix brisée par la précédente course. Ce n'est pas un homme d'ici, il ne sent pas comme tout le monde, en soit il sent un peu comme Sucre, mais en plus amer ? Il a raclé sa gorge, mais cette fois-ci pour vérifier qu'elle n'est pas encore morte, avant de lancer d'une grosse voix un peu bourru une phrase en plein dans la figure inconnu.

[Clamé] T'es pas du coin toi....tu fous quoi là ? [il a jaugé ses cheveux avant de continuer] Tu vas cramer à rester comme un piquet hein ! C'est pas bon du tout pour les cheveux blanc, la chaleur, ça te ramollis le cerveau en deux secondes tu sais, non tu sais sûrement pas, vous savez jamais rien vous. [Clamé]

De la colère compressée, je ne suis même pas désolé qu'il prenne pour les autres, quelle différence de toute manière c'est pas comme si j'ai à faire avec la montagne hein, j'ai rien à faire tout court, Sucre n'est pas là, Sucre est peut-être en retard...

Il a bougé son attention jusque sur l'écume qui crépite contre le sable mouillé. Avant de grogner sans pour autant s'entendre, il laisse simplement la douleur de ses articulations s'échapper de sa gorge, les yeux paumés dans le vague à l'âme. Il est trop occupé à attendre celui qui ne viendra pas pour prêter encore attention à l'homme à côté de lui. Il aurait pu aller se mettre ailleurs, chercher un banc au calme. Mais Vox n'est rien de plus qu'un chien effrayé qui préfère encore attendre à côté d'un inconnu le retour du visage connu plutôt que de devoir contempler le vide infini. Il n'aime pas se rappeler qu'il est seul face à son monde.

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MessageSujet: Re: mes illusions donnent sur la cour •• vox
mes illusions donnent sur la cour •• vox RxkgjUaSam 24 Jan - 1:03


C'était des tourbillons, des éclats tigres qui venaient de l'autre côté de la mer. Un siphon en porte-voix hurlé par dessus les toits sans couleurs et les rues brillantes de lueurs. Les ondes de chocs s'étaient étouffées avant de ramper à ses pieds, de courir le long des vagues spumeuses, d'embrasser jusqu'au bastingage des bateaux posés sur la grève. Des échos s'étaient coulés dans les oreilles de Camélia, et il les avait pris pour une brume, une écume qui crénèle le bout de l'eau.

Le soleil faisait des trous dans sa peau. Ajourée par le chaud de ses rayons elle restait sous la brûlure intacte comme du marbre blanc. Hiératique, il tournait un peu sur lui-même, attendant l'ivresse à jeun, l'instant où le vertige frôlerait sa tête. Camélia voulait s'étourdir un peu près des rochers où venaient mourir des morceaux d'océan. Il mit sa main tendue sur son front pour que ses yeux ne soient pas noyés de lumière, et il guetta le chemin côtier, les ruelles juste un peu plus haut, les ombres d'hommes découpées sur le littoral. Et comme personne ne venait il se laissa tomber. Il s'assit en tailleur sur sa propre dune et dessina de l'index des fantômes dans le sable. Son regard alla bleuir sur la ligne éternelle au bout de laquelle ciel et mer s'enchevêtraient peut-être.

— T'es pas du coin toi....tu fous quoi là ?

Un demi hurlement lui heurta le visage. Il le releva doucement et vit les débris tremblés d'un homme. Il avait l'air effiloché et les membres comme luxés sous leurs jointures de peau. Il était blanc, plus blanc que lui ; il semblait translucide.

— Tu vas cramer à rester comme un piquet hein ! C'est pas bon du tout pour les cheveux blanc, la chaleur, ça te ramollis le cerveau en deux secondes tu sais, non tu sais sûrement pas, vous savez jamais rien vous.

Ce qui le frappa le plus fut la peau fendue de sa bouche, la cadence staccato de ses mots, et puis la manière dont tout son corps semblait vouloir se disloquer d'un coup. Un camaïeu de taches brunissait ses vêtements. Ses lèvres s'agitaient comme des membranes, s'ouvraient comme des branchies, et puis se gonflaient comme des voiles. Il parlait pour les murs, le sable, la mer. Il s'époumonait pour le sel, pour la proue des bateaux, pour un petit creux du monde qui voulait bien l'entendre. Les échos de sa voix éclataient comme des comètes autour de Camélia, de la tête immobile de Camélia, qui s'était levé et qui s'était approché, le surplombant du haut de ses longues épaules. Il était si blanc qu'il se détachait de sa propre ombre.

J'attends quelqu'un.

Camélia avança sa main et ses doigts touchèrent une éclaboussure rouge, juste là, sur la raideur du col. Du bout de l'index il enleva une petite plissure. Il n'avait pas peur de presser sa peau contre celle d'un étranger, d'un si étrange étranger, qui ne pouvait être si singulier sans avoir quelque chose à lui dire ni s'être posé ici comme un oiseau du hasard. Il avait cru reconnaître, dans la lourde tessiture de sa voix, l'un des éclats lointains de tout à l'heure.

Bonjour, Vox.

C'était vraiment idiot - Camélia étaient de ceux qui ne savaient pas douter de leur instinct.
Il sentait la tomate et la détresse. Il respirait très fort. Est-ce qu'il avait couru ?

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MessageSujet: Re: mes illusions donnent sur la cour •• vox
mes illusions donnent sur la cour •• vox RxkgjUaSam 24 Jan - 21:42




C'est sous le plomb de la chaleur, des clameurs intérieures, de mon corps qui soudainement en a eu marre de devoir se supporter, que la montagne m'a offert un coin d'ombre. J'ai soupiré avec agitation en fronçant mes sourcils. Peut-être parce que sa voix de baryton-basse s'enroule dans les vagues qui se fracassent contre la membrane de mes poumons. Elle roule et j'ai dû reposer mes regards sur lui pour y déchiffrer la signification. Il est là autant chien domestique que moi alors. Attendre, la patience autour du rien, c'est loin d'être donné à tout le monde, quoi que le temps qui ne passe plus facilite la tâche. J'avoue qu'il ne m'a jamais traversé l'esprit de perdre des heures de mon vécu, quel vécu de toute manière. Celui des cabots ne compte jamais au bout du compte. J'ai relâché mes muscles et laissé tomber mes épaules ; s'il attend Sucre alors je n'ai aucune raison de mordre. Ah oui Sucre, c'est vrai, Sucre c'est le genre de type qui te donne une tape dans le dos, celui qui te crie parfois dessus ou roule des yeux, celui qui te sort des noms d'oiseaux, mais qui au fond, ne dépasse jamais ses mots. J'ai oublié le sourire fracassé qui s'est étiré entre mes joues malgré moi.

Oublié l'a-t-il peut-être fait comme il a oublié les trois-quarts des mots sur la lettre, comme il a déjà zappé ses déboires de plus tôt, comme il a confondu Sucre et l'inconnu. L'oubli est l'apanage de l'apaisement chez les souffrants. Vox est un animal qui parfois ne se reconnaît plus lui-même. Un animal qui a l'habitude d'être traité comme tel et qui s'en accoutume bien s'en faut. Alors lorsque l'homme en face de lui, a articulé une salutation sans dénigrement, deux mots calmes, et qu'il lui accorde l'entente de son prénom -ce qui est une denrée rare en soit- la commissure de ses lèvres est restée retenue dans la position inconfortable de cette élongation qui en devint tout d'un coup discordante. On appelle rarement ce que l'on considère avec le même dégoût qu'un cafard par son petit nom. Il a papillonné des paupières tel un lapin effaré, ses iris rivés sur ses clavicules sans pour autant se concentrer dessus. Vox n'a pas senti tous les pores de sa peau se tendre et hérisser sa maigre pilosité édulcorée. Il n'a pas entendu non plus sa langue claquer avec un certain trouble contre son palet.

La montagne ne sait pas qui je suis, elle ne comprend que mon nom, elle ne connaît que ce que Sucre lui a bien lâché sûrement. C'est pour ça Vox, c'est parce qu'elle ne te connaît pas qu'il ne s'agit que d'une montagne et non d'un volcan. J'ai fini par ouvrir la gueule et exécuter quelques mimiques pour la détendre, tournant mon faciès déformé sur le côté, la vue perdue entre le soleil le ciel le sable les rouleaux qui s'écrasent. Je n'aime pas les gens comme toi la montagne, ceux qui sont plantés tels des arbres sur le sol, ceux dont tu ne lis rien sur eux, ni détresse, ni joie, ceux de marbre qui s'infecte dans l'immobilité. Ceux dont l'affabilité est le maître-mot mêlée à une douceur douteuse. Je ne ferai pas l'effort de retenir ton prénom. Une montagne c'est bien, comme mot, ça ne bouge pas, ça éventre le ciel de sa tranquillité. Ça brouille le paysage, c'est une horloge bien huilée. C'est l'ennui sur lequel je peux crier. J'ai posé mes mains sur mes hanches, bras repliés, pour me donner un peu plus de contenance. Je n'ai pas besoin d'être de roc pour causer, je n'ai pas peur des coups, de ceux que l'on retient sous la menace comme de ceux qui partent sans préavis.

Le fil a glissé de son épaule sèche, laissant ses baskets se vautrer sur le sol tassé sans qu'il n'essaie de les rattraper. Il ne le regarde toujours pas, ça ne sert à rien de contempler les cimes, c'est comme vouloir s'aveugler. Et vox est déjà bien assez éblouis par ses propres sommets internes. Ceux de la douleur. Il crispe sa mâchoire, lorsque son ventre gargouille telle une balade d'accordéons qui s'entre-déchirent. Il a deux flûtes qui sifflent dans ses oreilles, l'une lui disant de le remballer sans pincettes, l'autre de d'abord lui demander ce qu'il attend, vraiment, pas juste quelqu'un, on n'attend jamais quelqu'un dans le vent.

[Riche de ses envies contradictoires, sa voix part sans vraiment qu'il ne le veuille, balbutiant quelques onomatopées avant de s'en rendre compte, que ses lèvres sont en train de se mouvoir et qu'il ne sait pas ce qu'il raconte, alors le ton se hausse d'un seul coup, comme compressé par la peur que soudainement, sa voix se fut éteinte.] C'est de Sucre que tu causes ? Car Sucre à affaire avec moi, il me l'a dit, entre autres...[il reste sur ses gardes, et tourne lentement ses billes charbon et carmin sur le ballot bien bichonné que les paluches en face de lui trimbalent]...Il est pas du genre à se laisser acheter. J'vous le dis, au cas où. Si t'essaies une entourloupe, la montagne, je peux bien vouloir te grogner un coup sur ta trogne.

Il a rehaussé son poitrail, et effectué un sourire de gueule cassé, sûrement pas crédible sous les grains farineux qui tombèrent au sol, alors que sa peau se tend. Puis il semble tout d'un coup se désintéresser de lui et va creuser de la pointe de ses pieds dénudés dans le sable, le pelletant comme pour s'occuper. Il continue et parle pour lui-même, dans une voix plus basse que d'usage, avec une grande rapidité, comme s'il se cause face à un miroir, car il s'oublie entre lui et lui, mais ne se rend pas compte que ses cordes se sont agitées aux diapasons de ses pensées. Il ne l'a pas capté puisque c'est toute sa gorge qui lui a semblé enfler sous les rumeurs de tambours qui jouent avec sa glotte et lui donne la nausée.

[ train de pensée] : C'est pas que tu sens la plage étranger, tu ressembles pas au borgne alors ça devrait aller, mais t'as la voix trop posé et une langue qui se décoche comme si elle est emmiellée, et moi ces gens-là, c'est comme si je pouvais les entendre siffler et voir leurs dents gâtés, bien que ça me gêne pas plus que ça tant qu'ils me fiche la paix. Tu connais pas le borgne toi mais c'est une sacrée paire de claques que je ne puis lui distribuer qu'il mérite. Personne lui distribue jamais d'ailleurs, ils devraient, ceux qui n'oublient pas, ceux qui n'ont pas besoin. J'espère que la montagne n'est pas comme ça, parce que je suis déjà tout recouvert, j'ai pas forcément envie d'en rajouter une couche au-dessus de la sueur, de celle de l'ébullition qui pullule de notes dans mes veines. ] Il expire et s'abaisse pour continuer de creuser cette fois-ci avec ses doigts, devenant tout à coup silencieux. C'est en lui qu'il continue de "désensevelir" des mots à la suite. ]

J'ai pas envie puisque t'es un ami à Sucre n'est-ce pas ? Tu sens un peu comme lui, tu sens tout court une odeur agréable pour ceux qui pincent leurs lèvres en passant dans nos rues. Moi ça me rend juste étrange sous la langue, comme de la salive en trop. Je n'aime pas vraiment que des gens comme toi traînent autour d'un railleur comme Sucre, je fais quoi s'il devient comme toi moi ? Est-ce que j'aurai le droit d'écraser ses guimauves toujours ? Est-ce que j'aurai le droit de jurer et de casser la vitre car mes mains brûlent de fureurs ? Je ne sais pas, ça fait un peu peur au fond. Je sais rien de Sucre mais je sais que je ne veux pas que son âme change, je ne veux pas l'entendre tout d'un coup virer de bord. Me réveiller un jour et c'est le balai qu'il me montre, mais pas pour ramasser les pots cassés, juste pour balayer ma carcasse de la place.

Je n’apprécie pas les nouvelles qui ne s’annoncent pas à grande voix, monsieur.

Parce que Vox se comporte souvent comme un enfant qui a peur de l’abandon.


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MessageSujet: Re: mes illusions donnent sur la cour •• vox
mes illusions donnent sur la cour •• vox RxkgjUaSam 14 Fév - 19:03


C'est tout un chaos qui s'empressait devant lui, et il se partageait, se distillait à la lueur d'une flamme peut-être aussi éteinte que luisante, comme si tous les horizons ne lui suffisaient pas pour se déverser. Il lançait ses bras comme on dégainait des rapières, de grands hallebardes blanches et tremblantes, aussi émoussées pourtant que le verso de son sourire pâle. Il n'en menait pas large en s'envoyant tanguer comme ça, dans un tourbillon de sable encollé sur sa peau, sur la plante de ses pieds, la courbe ses genoux cagneux.
Il avait attendu Vox, il avait eu le déluge.

Sous l'astre chaud qui leur rissolait tous les pores avec une douceur de fin d'été, il se sentait une confusion blonde, un enivrement sans nom, un étourdissement qui lui transportait tous les sens - et puis, qui en inventait de nouveaux.

Peut-être manquait-il de mots pour décrire cette figure, à la fois cyclope et hydre, ou peut-être qu'il n'en existait pas suffisamment dans l'au delà ou ailleurs. Vox s'éparpillait comme il éparpillait ses affaires, il laissait tomber ses chaussures, laissait tomber un morceau de son esprit, rassemblait toute son âme pour ne pas essuyer un oubli, un autre, dans le flux étrange qu'il recomposait à des couleurs de fièvre. Dans l'esprit du vagabond, Camélia voyait des strates, des frontières impossibles, des vecteurs qui ne se connectaient pas, extrêmement tendus - il voyait des grilles, d'abord très larges, comme des barreaux de prison, et puis moins larges, comme des passoires, et après toute petites, comme un tamis.

Des grains de conscience lui heurtaient le visage ; la conscience de Vox, les défiances de Vox, les soupçons étranglés de Vox qui tentait de se collecter lui-même pour répondre à ses mots blancs.

— C'est de Sucre que tu causes ? Car Sucre à affaire avec moi, il me l'a dit, entre autres... Il est pas du genre à se laisser acheter. J'vous le dis, au cas où. Si t'essaies une entourloupe, la montagne, je peux bien vouloir te grogner un coup sur ta trogne.

Ses yeux roulent, sa voix se contorsionne, tous ses atomes se mouvent dans le bric à brac d'une symphonie qui ne s'aventure pas après son crâne. Camélia n'entend que des bribes de ce remue-ménage, il ne peut que le voir se ramasser lui-même dans l'anarchie primordiale qui le tient debout.

La montagne observe ce désordre. Il ne démord pas de sa constance immobile, de ses sommets lointains, de son très haut sourire presque éteint qui brûle d'un dernier tison. Ses braises tendres sont pour Vox, Vox entier, qui lui donne tant de sa personne, alors qu'il ne peut saisir que les fragments égrenés de ses mots. À côté de lui, il paraîtrait aphone.

Vox est une onde. Il lui échappe des mains comme une bête à écaille, une anguille aux diaprures liquides qui lui coulent sur le ventre. La langue de silex qui dort dans la bouche de Camélia se délie, et avec la force d'une marée elle quitte le bord de ses dents, se soulève dans sa candeur atone.

Sucre, Sucre m'a parlé de toi. Il m'a dit qui tu étais, et que tu faisais du bon travail.

Camélia parle d'une voix de tonnerre. Elle frappe le sablon en faisant des arcs électriques tout autour du vagabond. Et prenant garde à ne pas le heurter d'un éclair, le visage adouci - pas qu'il se soit un instant durci -, il oublie que Vox oublie, il oublie ce qu'il s'est souvenu d'oublier, les replis de sa mémoire immédiate, les déliés intangibles de sa pensée.
Vox a peut-être raison, lui que le tourment mord jusqu'au sang - c'est plus facile de ne pas s'encombrer.

Alors je t'ai envoyé un courrier, il ferme à demi ses yeux clairs, mais tu ne t'en souviens sûrement pas.

Camélia, de ses pas de pierre, s'approche à nouveau du quidam que tous auraient appelé ostrogoth. Mais les noms d'oiseaux étaient laids dans la bouche de Camélia, les jugements faisaient mauvais genre dans le fil de ses idées, et il ne voulait que toucher Vox, de son accent ou de ses doigts, de ses murmures sans contours ; peut-être le prendre dans ses bras. Camélia, s'il ne comprenait pas tout en Vox, sentait le bruit martelé de son pouls. Il était en empathie avec le bruit cardiaque de sa peur.

Je ne suis pas Sucre, tu sais, je m'appelle Camélia. Vox, veux-tu que je reste avec toi ? Je voudrais te parler, et puis te connaître.

De nouveau ses mains trop grandes traçaient des sillons sur la peau de Vox, se posaient sur ses épaules ingambes. Avec un mouvement courbe il lui tendit la boîte entrelacée de rubans qui s'ouvrait comme un écrin rempli de chocolats.

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MessageSujet: Re: mes illusions donnent sur la cour •• vox
mes illusions donnent sur la cour •• vox RxkgjUaJeu 26 Mar - 23:48



Je haïssais la mer. Ses remous, son essor violent les jours de tempête. L’eau trouble qui s’engouffre dans vos blessures et vous pétrifie de douleur. Qui aime bien châtie bien. Le sel n’est qu’un traître, tout comme cette affirmation. L’amour ne devrait pas être souffrance, car de celle-ci le monde est déjà bien assez empli. De toutes les couleurs, de toutes les formes, de toutes les pensées, et d’aucune expérience, je m’imagine l’amour. C’est si loin des vagues, de l’écume qui ramasse les détritus dont les impunis se débarrassent sans remords. Je suis resté des jours et des nuits assis devant les marées. Parfois…je ne sais plus pour quelle raison, je surveillais, voilà tout. De quoi as-tu peur, auraient pu demander les passants, mais aucun passant ne m’adresse la parole de peur de m’enclencher. Moi, la machine à hurlements, le piston qui gronde et vibre, les rouages brisés qui s’esquintent toujours plus, avec fureur, à faire tourner mon souffle. Il n’y a rien sur cette contrée flottante : juste un passage infranchissable qui me rappelle immédiatement à la mort. Du moins c’est ce que j’ai entendu…

Il se rappelle de ce poisson pierre qui un matin, le piqua alors qu’il barbotait un peu pour se laver. Il avait bouffé le sable ce jour-là. La souffrance insurmontable liée à celle quotidienne qu’il supporte lui avait fait préférer la suffocation. Il ne s’en souvient pas bien sûr, mais cette méfiance tacite envers l’eau est restée. Et puis personne n’a jamais appris au crieur à nager. Son pied s’arrête. Cette voix qui roule tout près de lui se mêle aux vas-et-vient des rouleaux qui s’affaissent contre le sol sableux. Il n’en garde guère que des bribes, des Sucre à répétition, il s’en va le scander dans sa tête, ce prénom qu’il apprécie et lui fait décocher un sourire béat. Il y a maintenant une petite montagne et un gouffre à ses pieds. Ses hautes paupières s’abaissent muées par une somnolence feinte, ce n’est que les rayons lumineux qui frappent son front qui l’étourdissent quelque peu. Il va s’en remettre, il perd souvent son couvre-chef. Il imagine son cuir tanné et cuirassé un peu contre la chaleur, même s’il sait que c’est faux. Le blanc brûle toujours. Ses risettes s’effacent, retombent dans un petit air préoccupé.

Une montagne, pour quelle raison tu m’enverrais une lettre. Je n’ai jamais rien reçu des hautes sphères. Ni un regard, ni un mot. Tu es la première sûrement. C’est assez étonnant si on considère que tes monts paraissent enneigés, est-ce que tu essaies de me faire accepter tes flancs verdoyants, en dessous de la parure poudreuse ? Des caves chaudes qui t’habiteraient, où tu irais placer les ours que nous sommes. Il doit bien y avoir quelques lynx qui parcourent tes contrés, quelques loups affamés aussi, qui cherchent en toi de quoi grailler un morceau. Je ne sais pas…moi la vallée sèche, j’ai flambé éternellement. L’on n’apprend pourtant que le feu au plus profond des montagnes, bien à l’arrière des caves qui se creusent en grottes imposantes, fait brûler la roche et couler les précieux trésors. Je ne suis pas un ours ami de Sucre. Et prétendre être le feu…je…non…seulement les bois morts. Je ne suis que les conséquences, aucun pouvoir en moi pour la cause. Une cendre qui continue de carboniser à la moindre allumette. Qu’est-ce que tu prétends faire hein, qu’est-ce que tu prétends être. Personne n’est digne de confiance ici, mon propre corps est une ignominie. J’ai cherché pendant si longtemps à reposer mes branches calcinées contre de hautes roches. Aller m’accrocher au bord de quelques précipices. Plus douce sera la chute, et plus gracieuse l’impression de vivre. Mais je n’ai pas été très chanceux vois-tu, je ne suis pas vraiment dans les préoccupations de la corne d’abondance.

Il s’est secoué un peu, comme pour se réveiller lui-même. Avant de passer une main sur son crâne humide, et de la descendre le long de son cou pour s’y essuyer la paume. Il regarde ce qui se trouve au-devant de son corps. Un cadeau. Il reste surpris du geste. N’était-ce pas le cadeau de sucre après tout ? N’avait-il pas soupçonné qu’il tente d’acheter celui-ci ? Mais voilà que la raffinerie s’invite à ses devant. Il l’attrape avec gaucherie, ses lèvres pincées gargarisent un merci. Il ne sait pas comment le recevoir. Il lui paraît tellement incongru et déplacé, il dénote complètement avec sa personne. Le ruban, l’agencement des couleurs, l’écrin en lui-même, décoré avec finesse. Il grogne dans sa barbe inexistante, ça ne sent pas très bon pour lui, cette histoire. Ça lui rappelle les fourberies du borgne. Et Thémis sait qu’il n’a pas besoin d’un deuxième chapardeur nonchalant dans sa vie. Il ne l’ouvre pas. Il a un peu peur de son contenu, que ce fut une œuvre en total désaccord avec lui, rendant sa condition encore plus misérable à ses yeux. Il n’a pas écouté et s’affole un peu. À défaut d’être assez civilisé pour découvrir le cadeau, il aurait pu au moins relancer une conversation pour patienter, mais voilà qu’il a laissé les lèvres glisser et s’étirer si près de lui, mais si loin en son sein. Rien ne lui revient. Il le regarde, comme pour se préparer à dire quelque chose, n’importe quoi, mais sa gorge reste muette plusieurs secondes -ou ce qui s’y apparente. Vox n'a jamais été doué pour dénombrer le temps. Il essaye de remettre le monde en place, ou plutôt, d’atténuer le tempo de celui qui s’épanouit à contrecœur en lui. Une perturbation se crispe sur son faciès, déforme un peu son ton, c’est l’inquiétude qui le taraude, celle de décevoir son interlocuteur lorsque celui-ci se rendra compte, enfin, comme tous avant lui, que Vox ne vaut pas la peine de faire l’effort d’une discussion.

[Même perdu et chancelant, il reste sur la défensive.] Je…la montagne ne veut plus attendre Sucre ? ...[il prend une pause, puis fait bailler ses paupières précédemment closes, elles ont du mal à s’éveiller, s’éveillant doucement l’une après l’autre, comme un homme qui se calfeutre sous sa couverture à l’abri du soleil, pour gagner un peu de sommeil. Il a besoin d’elles aussi, pour essayer de garder son focus sur son interlocuteur.]… Je dois lui donner… ? le paquet… ? C’est pas pour moi hein…j’en fais quoi moi de ça… . [Il ose un regard furtif sur le beau ruban et manque de s’étouffer mentalement, car l’envie de l’avoir pour lui le démange. Puis il pourrait l’offrir à Symphonie le beau ruban, elle pourrait nouer ses cheveux avec. Il passe sa langue sur ses lèvres assoiffées, prend le temps de réfléchir, avant que son visage ne s’éclaire l’espace d’un instant. Il s’est souvenu] AH ! [Il redevient radieux, même les harpes dont les cordes sautent en ses cuisses ne réussissent pas à le désarçonner] Des camellias ! Je sais ! C’est très beau, ça oui…de ce qu’on dit…ah moi les fleurs hein…c’est jolis mais bon…je sais pas trop…ça sent bon aussi . Mais je sais pas si ça sent bon le Camellia…mais c’est sûrement joli, puisqu’il se parle bien, comme mot je veux dire, ça a un petit air…romantique oui. [Il hausse un sourcil en sa direction, comme s’il savait ce qu’il raconte, alors qu’il n’en a aucune idée.]

Il reste à peine le temps d’un soupir à le regarder, avant d’abaisser son visage sur la surprise entre ses doigts poussiéreux. Il la tâte sans trop oser la bouger. Les marques d’attention envers sa personne sont comme des chimères, s’il met des mots dessus, sûrement qu’elles disparaîtront. Alors il éteint son mégaphone juste pour elles, dans l’espoir de les préserver de sa propre constitution cruelle.



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MessageSujet: Re: mes illusions donnent sur la cour •• vox
mes illusions donnent sur la cour •• vox RxkgjUaMer 6 Mai - 11:42


Il n'avait appris ni le feu, ni la poudre. Avec ses ondulations qui fendaient le vent, Vox lui enseignait l'ivresse. Foudroyé dans le cœur par ses mots vagabonds, la pluie battante de ses doigts sans rythme et la dislocation de son impossible corps, Camélia restait debout, comme un arbre frappé du bout de la sève au bout des racines.

Il était calciné sous son écorce blanche, des arcs électriques lui couraient dans la peau. Le soulèvement de la poussière, l'épais soleil qui transperçait l'horizon, la chaleur comme un couperet qui tranchait leurs deux têtes ; ces frissons si proches vous mettaient le cerveau dans le ventre et le ventre dans le cœur, ces synergies toutes ensemble étaient d'une évidence qu'il n'aurait soupçonné sous aucun prétexte. Il y avait dans Vox entier des promesses absurdes de lendemain trous noirs, de voyages tempêtes et de hurlements ciels bleus. Tour à tour polichinelle, surhomme étourdi, colosse aux pieds de sel, Vox avait dans son tango étrange la forme d'un gri-gri, les spasmes d'un satyre, les tremblements sacrés d'un futur martyr occupé à faire front contre le rivage.

Sa colère topographique s'estompait trop vite pour qu'on en aie peur et ses tourments brisés étaient trop vrais pour qu'on puisse en rire. Alors Camélia presque ému préférait se taire à gorge déployée, tout imprégné de ce vagabond qu'il pensait, à chaque seconde, rencontrer pour la première fois. Attentif comme la muraille, il écoutait.

Vox ne voulait pas des miracles de Camélia ; il se démenait comme s'il voulait sortir de lui-même, de sa propre peau, de ses profonds abysses, comme s'il lui fallait absolument se blesser contre le ciel et se cogner contre le vide. Vox tendait vers le but merveilleux d'écarteler l'univers, peut-être pour s'empêcher de vivre - dévoré par la fièvre de l'éveil, il paraissait plus fier, plus grand, plus humain que Camélia, dissous dans ses vapeurs auréolées de chocolat.

Vox était au devant de lui-même et menait cette danse de beau diable par dessus les abysses. En chaman impassible, la montagne blanche l'écoutait dire, invoquer, faire des colliers surnaturels de ses mots. Du fond de ses yeux qui azuraient ses contours, et du fond de sa cervelle aussi, Camélia se savait submergé par une vague.

Les mots durs qu'il jetait comme des fers de lance, dans son combat de chien fou, ricochait sur les reliefs de Camélia. Dans son mutisme éthéré, celui-ci patientait, écoutait, ne laissait se perdre sur la rive aucune bribe perdue.

Il craignait simplement qu'il ne s'étouffe, croquant sa langue véloce, frappant de ses dents ses propres mots fiévreux. Mais ils étaient trop agiles, trop oiseaux, trop sertis de joyaux d'air pur pour se laisser prendre au piège ; maintenant il en était certain. Il devait l'avoir.
Camélia qui ne savait agencer ensemble les mots que pour papillonner se creusait en silence dans l'ombre du poète, le réel, l'insoupçonné.

Tu as raison, je ne suis pas digne de confiance. Tu ne l'es sans doute pas non plus. Mais qui a dit que c'était nécessaire ? Ses pieds disparus sous l'onde et le sable lui avaient fait perdre un ou deux centimètres qui venaient s'ajouter à son sourire. J'ai besoin de toi.

Dans les hauteurs de son front, près de la pierre de ses cheveux qui ne bougeaient pas, il y avait des jardins suspendus de questions, des inquiétudes hydrophobes qui rejetaient la mer. Pendant un instant Camélia ne sentit plus sur la plage Ethernite mais perdu sur une lagune posée à fleur d'océan. Il s'égarait parfois sans même savoir pourquoi, peut-être que c'était le propre de la mort.

Ce cadeau est pour toi, Vox. Ce n'est pas grand chose, mais j'espère que ça te fera plaisir.

Il s'approchait, et avançait ses mains pour qu'elles rencontrent les deux autres dans un à-coup sismique. Le coffret miniature était d'un bleu pastel qui ne se voyait presque pas sous les trombes de lumière. Il y avait ce ruban en velours que Camélia, entre le pouce et l'index, dénoua doucement. Entrebâillée, la boîte laissait voir à l'intérieur des carrés noirs bien ordonnés, alignés les uns contre les autres sous des splendeurs de papier à motifs.

C'est une recette un peu étrange, mais je suis sûr qu'elle te plaira. Je te le disais dans ma lettre, mais voilà : je suis chocolatier.

Et sur ces mots Camélia se retourna vers la plage. Il voulait que les embruns entrent encore dans ses poumons. Soudain la montagne s'animait de souples embardées.

Il s'occupait à tracer des virages avec ses pas dans le sable, il s'éloignait un peu, se grisait dans l'écume ; esquissait un pas de joyeux drille plus près des brisants où venaient s'effondrer les vagues comme de longues ailes d'eau. Plus enfant que grand homme, il jouait avec le sable, avec les lames du vent, les tourbillons tout proches - finalement, il fallait profiter d'être venu ici.
Extatique, il fit à nouveau volte face pour plonger son regard dans les yeux lampions de Vox. Il était rieur.

J'y tiens absolument, Vox. Travaille pour moi !


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mes illusions donnent sur la cour •• vox RxkgjUa

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