Inaccessible, elle est cette délicate rose au cœur d'un océan de ronces. Décevante, elle devient marbre lorsqu'on l'aborde.
Troublée, passionnée.
Silencieuse, mystérieuse.
Bancale, paradoxale.

Paradoxe est une fêlure. Paradoxe est le syndrome ante-traumatique. Paradoxe se trouve juste avant l'apocalypse, sans la provoquer elle peut en être responsable. L'apocalypse dans votre esprit, dans vos souvenirs, dans votre corps. Paradoxe incarne vos troubles, vos peurs, vos folies, votre absence de souvenirs.
Paradoxe est l'allégorie du vide qui vous entoure.
Derrière vous, devant vous, à vos côtés. Elle est partout et nulle part à la fois. Intouchable, frémissante, elle est la brise dont l'origine vous est inconnue. Elle apparaît, vagabonde perdue dans un univers parallèle ; une simple erreur dans la matrice.

Un bug.
Abstraite. Elle se complaît dans l'indifférence et dans la solitude, ignore les mystères de la vie. Incarnation même du paradoxe charmant et bourré de sentiments, envahie en permanence par un kaléidoscope flou, vague.
Son existence même est incertaine, elle n'est pas sûre d'être de ce monde. Fragment d'une conscience perdue elle erre sans but sur une terre désolée, suit des règles dont elle ignore tout, s'incruste dans la civilisation.

Paradoxe est invisible, Paradoxe n'a aucune présence. Provocatrice, elle fait s'écrouler votre équilibre précaire, d'une phrase elle brise vos plus grands idéaux. Des mots plats qui roulent sur sa langue ; sans saveur ni sens pour elle, mais significatifs pour vous. Parce qu'elle est née de votre peur, de votre instabilité.

Passionnée. Passionnée par les corps qui hantent ces lieux, par ses semblables qui lui paraissent si différents. Passionnée par les tributs, par les pertes des damnés. Assoiffée d'une connaissance sans grand intérêt, sans utilité. Comme chez toute créature douée de conscience, son instinct la pousse à savoir, à apprendre.
Et cet instinct l'a poussée à devenir bibliothécaire.
Lire, écrire, comprendre, apprendre.

Lointaine, constamment perdue dans des pensées fugaces.

Polie, réfléchie, débrouillarde, indépendante, courageuse, énigmatique.
Des qualités qu'on lui a attribuée sans lui demander son avis, des codes de conduite implantés dans ce qui aurait pu être son cerveau. Son langage est qualifié d'étrange – sa frustrante manie de parler par énigme, de rester prudemment dans l'abstrait. Au fond personne ne sait ce qu'elle pense, personne n'a conscience de ce qui la tourmente.
Sa naissance. Trouble. C'est vague, comme mot.

Solitaire, introvertie, peu bavarde, trop directe, égoïste.
Penser à autrui n'est pas une de ses facultés. Paradoxe est née seule et compte rester dans cette optique ; elle n'a pas peur d'être blessée ou « mal accompagnée », mais la compagnie l'inquiète, la perturbe. Et s'ils désirent qu'elle parle d'elle-même... La tâche ne sera pas aisée.
Paradoxe n'est rien.