Et puis tu t'arrêtes. Pour la regarder. Ce petit bout de vagabonde, avec sa peau trop pâle et ses yeux trop rouges, un peu comme toi. Nero. Ton coeur s'affole tout d'un coup, comme à chaque fois que tu poses les yeux sur elle. Toi qui es née tout d'un coup, de rien ni personne, sans passé ni avenir, qui ne connais qu'une existence vaine et sans fin, tu t'es souvent demandé à quoi pouvait bien te servir ce coeur qui ne pouvait pas mourir. Et souvent, tu te disais qu'il n'était là que pour ça. Pour elle.
Elle fait de petits pas rapides en suivant une silhouette étrangère, et ton coeur se serre en imaginant sa main saisir le bras de quelqu'un d'autre que toi, en l'imaginant s'accrocher comme si sa vie en dépendait, en imaginant son regard en fixer un autre comme elle te regardait toi. Pauvre petite âme égarée, qui se traînait sans cesse derrière les autres, peu importe qui. Pauvre petite traînée.
Puis tu t'élances sans réfléchir, ne voyant plus qu'elle. Ta délicieuse petite vagabonde. Tu cours jusqu'à elle, et, sans un mot, tu saisis sa main, l'arraches au reste du monde, l'entraînes avec toi dans l'une des nombreuses ruelles d'Ethernite, l'une de ces ruelles sombres que tu apprécies tant. Tu veux la cacher, l'isoler, tu la veux rien que pour toi.
Là, tu t'arrêtes enfin. Et sans lâcher sa main, toujours en silence, tu plaques brusquement tes lèvres sur les siennes. Ce que t'es laide, quand t'es jalouse. Tu te rassures toi-même, en te disant que tu es probablement la seule à te l'approprier de cette façon. Elle peut bien suivre qui elle veut, tenir des mains plus douces et plus chaudes que les tiennes ; tant qu'elle revient vers toi. Et elle le fait toujours. Parce que rien de ce que tu peux lui faire n'a plus d'importance que l'attention que tu lui portes. Que ta main tenant la sienne. Que le simple fait que, toi, tu ne lâcherais jamais prise. Ce que d'autres qualifieraient d'abus, vous appeliez ça de la tendresse.
Tu fermes les yeux et tu inspires avidement le souffle qui sort de sa bouche. Puis tu lui rends enfin sa liberté, la laissant respirer dans le crépuscule naissant. Tu remets quelques centimètres entre vous et tu la contemples avec un sourire satisfait, pourri de fierté.
« Nero » susurres-tu comme un serpent, d'une voix cajolante.
Jamais tu n'accepteras ce surnom qui est devenu le sien, celui que les autres lui donnent. Holly. Ça ne lui rend pas justice. Ils n'ont rien compris de sa triste beauté. À la place, tu écoutes son nom résonner dans le silence qui n'appartient qu'à vous, et tu en savoures tous les échos.
you exhale, and i breathe in anything foolish enough to leave you.