faut pas que tu désespères, perds pas espoir

« Il fait si chaud… »
Le soleil crépusculaire éclaire la ville de ses dernières lumières, absorbées par cette odeur de vent, cette odeur suffocante. Un cadeau empoisonné ? Certains diront que oui, d’autres que non. C’est pareil pour tout : il y a des gens pour et des gens contre.

La clameur de la ville t’est insupportable et tu as du mal à garder les yeux ouverts, exorbités par la fatigue. Tu as un mal ancré à ta jambe, tout ce qui se passe autour de toi t'agace et te donne la migraine. Tu flânes sans vraiment savoir où tu vas ; chacun de tes pas t’emmène où bon lui semble, même si pour l’instant, le paysage défile et se ressemble. Tu détestes ça.

La routine, la banalité, l’effacement, la solitude, l’indifférence : tout ce qui te caractérise. Tu as bientôt dix-neuf ans et tu ne sais toujours pas quoi faire dans la vie. A vrai dire, on se sert de ça pour te dire que tu ne serviras jamais à rien, que tu serais un fardeau pour la société, à toujours trop compter sur les autres. Comme tu aimerais étrangler ceux qui énoncent cela.

S’il y avait d’autres mondes, que feraient tes autres toi ? A quoi ressembleraient les mondes où tu n'existes pas ? Tes yeux essayent de fixer quelque chose autour de moi.
Tu n’arrêtes pas de me dire que tu n'es pas normal, qu’il faut que tu ailles consulter. Car quoique tu puisses en dire, tu es un bout d'homme dépressif aux yeux des autres. Tu aimerais tellement leur dire : « Non, ne vous inquiétez pas, je suis juste dégoûté de vous ».

« Te souviens-tu ? C’est ici que tu es mort. »

Tu entends une voix. Une voix qui te susurre des maximes, qui te murmure d’une voix reptilienne que es mort. Est-ce vrai ? Est-ce faux ? Tu n’en sais strictement rien. Ta mémoire a peut-être été manipulée, ou bien… Ou bien, tu es toi dans un monde parallèle. Peut-être que le toi de l’autre monde est dans le coma, et que tu es l’écho de ses pensées assoupies. Tel un héros de roman. Et comme dans tous les récits, quelqu'un viendrait te réveiller, par un fragment d'espérance…

... Sauf que dans le cas présent, ce sont plutôt tes parents qui pleurent ton piètre sort.

« Qui es-tu ? Le sais-tu ? »

Non. Si ce que tu as cité plus haut est vrai, alors tu ne sais plus qui tu es.
Le feu devient vert : la masse se déplace d’un bloc et traverse le long passage piéton. Et s’il y avait un bus ou un camion qui n’arriverait pas à freiner et qui te percuterait lorsque tu traverserais ? Si ça se trouve, c’est ainsi que tu es mort...
Ton regard est attiré par l’écran de ton portable lorsque tes pieds s’arrêtent soudainement.
15 Août – 12h30.
C’est ce qu’indique ton portable.
15 Août – 12h30.
Qu’est-ce qu’il était censé se passer, ce jour-là ?
15 Août – 12h30.
Tu... Tu avais un rendez-vous avec quelqu'un.
15 Août – 12h30.
Ton ami d’enfance...
15 Août – 12h30.
Vous vous étiez dit 12h30, parce qu’il voulait… te dire quelque chose…
15 Août – 12h30.
Mais…Pourquoi t'es-tu détourné de ton chemin ?
15 Août -12h30.
Tout va trop vite, trop vite. Le bruit autour de toi semble encore plus impétueux et te casse les oreilles ; ton cœur bat tellement vite que tu en as les larmes aux yeux.
15 Août – 12h30.
Pourquoi ?
15 Août – 12h30.
Le feu devient rouge.
15 Août – 12h30
Un coup de feu, puis deux, puis trois. Tout le monde crie et se met à terre. Des cris de géhenne, perforants. Puis l’explosion, la lumière criarde, ton corps qui se dérobe sous tes pieds par la balle qui vient de transpercer ta poitrine. Une vague de douleur se répand dans ton tout corps et t'assaille. Ta vision se fait vaporeuse et tu écrases tes larmes sur tes paupières.
Un attentat ? En plein New York ? Il y en a qui font ça...
Tu trembles et tu as froid… Terriblement froid.
Ton portable est toujours allumé.
15 Août – 12h31.

La voix t’avait bien dit que tu étais mort ici.
Tes yeux se ferment.