Il y a ta tête qui se soulève au rythme de sa cage thoracique, de ces poumons qui se remplissent, de ce diaphragme puissant qui choisit pour vous. Il y a aussi ses bras chauds contre ta peau qui retrouve peu à peu les sensations du monde physique, et tu fonds dans son étreinte, immobile. Apprécier, c'est tellement dur de bien apprécier, mais là, juste là, il ne te faut pas plus qu'un rire pour que ta bouche forme ce rictus de joie et pour que tu te dises que tu es bien. Aussi simplement que ça ; et tu essaie de te blottir un peu plus contre lui, de t'intégrer dans sa nuque -ah comme son parfum est fort fort fort, comme sa peau est tendre au bout de ton nez.
Il y a aussi son commentaire, et ça te frappe d'un coup -c'était sa première fois. Tu ne sais pas vraiment quoi penser, c'est tellement étrange de se dire ça -ça ne t'est jamais arrivé, alors comment pourrais-tu savoir ; mais tu souris un peu plus en te disant qu'il t'a choisi toi toi toi. Toi, juste toi ; et cette idée, comment ne pas l'adorer. Et lui, lui, comment ne pas l'adorer, lui et cet étau tellement chaleureux, lui et ses fleurs dans les cheveux oh lui et ses murmures aux ectoplasmes passionnés. Vous êtes tellement étranges, tout de même. Quand on vous voit, de loin, on croirait presque à un malfrat qui agresse une victime à l'air trop innocent, on croirait presque à une proximité due au hasard, on croirait que les mots échangés sont ceux qui résonnent dans le vide, et pourtant tu avales chacune de ses syllabes comme de l'ambroisie descendue tout droit de l'Olympe. Ah, Auxine, tu n'as pas assez de mots pour le décrire, tu as juste tes pauvres mains pour le serrer contre toi et tes lèvres qui lâchent encore quelques baisers bien sages et contentés, de ceux d'après l'amour, de ceux qui se réfléchissent milles et une fois, de ceux tellement tendres qu'ils embrument les esprits dans un nuage rose bonbon. Enfin, tu crois.
Je t’aime. Ça semble tellement naturel tellement normal, et maintenant tu te rends compte que oh, ça fait bien longtemps déjà que vous vous l'êtes dit ; c'était juste caché derrière quelques regards un peu trop insistants, à travers des gestes furtifs, à travers des lèvres tremblantes et des mots maladroits, de ceux qu'on dit et qu'on regrette sans vraiment savoir si on les regrette vraiment -mais on dit que oui, sinon ça a l'air trop étrange, sinon c'est trop dérangeant. Sinon on pourrait se douter de quelque chose. Et maintenant, ah, tu meurs d'envie de le lui dire pour de bon, maintenant tu veux aligner les mots sur ta conduite, maintenant tu veux tout sceller pour qu'à jamais la promesse ne soit faite, tu veux faire rouler ses mots dans ta bouche et tu veux encore encore le séduire pour être sûr qu'il ne sortent jamais de ces fils d'araignée construits autour de vous. « Je t'aime. » Ca fait du bien, Nerv, d'enfin savoir d'être fixé de pouvoir être sûr de soi oh de savoir que se regarder dans le miroir sonnerait plus juste maintenant ; t'es délivré d'un poids et tu ne sais pas pourquoi il est resté aussi longtemps, oh tu ne sais rien rien rien. Si ce n'est que oui, tu l'aimes. Tu l'aimes tellement.
Tes doigts jouent sur son torse blanc blanc comme neige -un peu grisé par tes griffes- et tu les remontent vers l'autre côté de sa nuque. Ça y est Nerv, ça y est. C'est ce qui résonne dans ta tête et ah, tu ne t'en lassera jamais tu crois. Il y a les tatouages sur tes phalanges qui se mêlent à ses cheveux, d'encre eux aussi, et tu es toujours aussi bien. Ça semble si irréaliste ; tu dois ne pas être encore totalement retourné sur Terre.

Les contacts, ce n'est pas ce qui t'a manqué, Nerv. T'as toujours été très tactile, le genre de gars à féliciter les gens en tapotant leur épaule ou carrément en les prenant dans tes bras ; mais Auxine Auxine, tu n'avais jamais vraiment osé le toucher avant. Tu pensais parfois que tes doigts noirs allaient couler sur sa peau blanche et que jamais tu n'arriverai à le laver de cette noirceur qui ne lui allait que trop mal ; et maintenant ça te fait rire -ça te fait rire, parce que tout ce que tu as tracé sur lui, c'était de fins liserés rouge sang qui allaient disparaître au matin. Comme si rien ne s'était passé. Oh, non, bien sûr que non ; tu sais que tu l'as aussi marqué à l'intérieur, et tu espères juste que ce n'est pas de l'ébène qui est venu tatouer son âme, mais une couleur plus jolie plus joyeuse. Turquoise, par exemple.
On te dit depuis toujours que la passion c'est le rouge, que la tendresse c'est le rose ; et ces pauvres bleus sont laissés à l'abandon comme de simples couleurs froides. Et puis Auxine est arrivé, et il t'a raconté l'histoire d'une couleur pas comme les autres, qui pouvait rendre lumière ou ombre -et tu te disais qu'elle était chaude et froide en même temps, mais que seuls les gens glacés ne la voyait pas tumultueuse. Tu ne sais pas, Nerv, le turquoise ça semble t'être une bonne teinte ; balance de vert et de bleu, cet équilibre te paraît comme une bonne alternative pour vous décrire, vous, pauvres mortels enlacés.
Il y a sa taquinerie qui te fait rire toi aussi, tellement ça sonne stupide - vraiment ? Oui, vraiment, vraiment et tellement plus -et tu sais que tu n'as pas besoin de le lui dire pour qu'il le sache, ça passe entre vous comme l'air que tu respires. Ca fait tellement du bien, par Thémis. Tu laisses ses lèvres déposer d'autres promesses et tu es encore dans les nuages, avec cette main qui te masse et son étreinte si chaleureuse -peut-on crever de bonheur ? Il continue encore avec la plaisanterie et tu lâche encore ces bouffées d'air trop rapidement sortie, acteurs de ton rire.
Tu prépares la contre-attaque en te relevant sur tes coudes, ta tête toujours enfuie dans son cou -et tes lèvres accrochent, elles restent en place, suçotent la peau la mordent un peu, et tu n'as qu'un seul objectif en tête. Tu laisses encore un peu son épiderme disparaître dans ta bouche avant de le lâcher et de remonter à hauteur de ses yeux, toi aussi, espiègle. « Aaaaah, ça serait tellement dommage. » Tes doigts masse la petite marque, et tu souris. « Que tu sois triste. » Et ta sincérité ressort, Nerv, parce que le voix malheureux, ça te ferait tellement tellement mal, que tu ne sais pas si tu pourrais y survivre.
Tu regardes avec affection son cou scellé de ton amour, et tu regardes aussi ses yeux remplis d'étoiles, et tu coiffes encore ses cheveux fins fins fins qui passent entre tes doigts. Ah par Thémis par Thémis par Thémis qu'est-ce que tu l'aimes.