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 que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)

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coeur souillé de noirceur
Sucre
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coeur souillé de noirceur


Féminin

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MessageSujet: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaDim 11 Jan - 16:16

J'aurai du prendre un autre métier. Mettre mes mains ailleurs que dans le sucre et les amandes. Parfois quelques pétales de rose sur les phalanges, des abricots, des raisins, du caramels. J'aurai dû plonger mes poings dans du pétrole, dans la crasse, dans la graisse, dans des corps.

Je me demande bien pourquoi j'ai choisi ça ; je me rappelle de la lumière de la petite boutique encore vide ; des murs uniquement bâti sur de verre, de grandes vitrines, ce grand vide immense et infini. Le parquet clair qui grinçait sous mes pas, les cuves de fonte dans l'arrière boutique, des paquets d'amandes abandonnés.
Je ne savais même pas comment on faisait ça.

Je venais d'arriver ici, et je m'emmerdais déjà.

Mes guimauves sont pas mauvaises, c'est ce qu'on me dit. Moi, je les trouve dégueulasses, et à chaque fois que je pétri cette masse collante et que je la poudre de sucre glace, je ne peux m'empêcher de penser à quel point ça à l'air infect et je murmure :

― Délicieux.

Forcément.
Je préfère le salé, mais puisque la mort a décidé de me nécroser de sucre pour l'éternité, il va bien falloir que je m'habitue à ce manque.
Le manque de vérité ; d'horreurs ; de visages défaits. J'ai envie de passer mes doigts et mes paumes sur des faces toutes cassées et de froisser mille fois plus leurs traits. J'ai envie d'essuyer leurs larmes et leurs crachats et les étaler jusqu'à leur poitrine qui hoquette.

Mais je ne peux que sourire, et ça, c'est vraiment la merde.

On s'habitue.
On s'habitue à ne plus être vraiment soi-même, et doucement, sûrement, on explose en un autre. Je deviens le confiseur, le chevalier, le petit sucre qui fait de jolis emballages de soie blanche avec un petit ruban rouge en décoration. Je deviens le gentil, l'agréable, l'ouvert, le sympathique. Je deviens ce dont j'ai l'impression qu'on a toujours attendu de moi.

Je m'habitue.

J'ignore quel métier je faisais autre fois. J'ai vu des gens, comme moi – des humains, je veux dire, ces espèces de monstres là, je n'en parle même pas – tellement obsédés par leurs souvenirs qu'ils en devenaient pathétique. Je n'ai pas envie de tomber dans ce mélo mièvre et affligeant.
Au diable mes souvenirs ; je les devine responsable de ma situation.

Je déteste le sucre.
Je dois me lever aux aurores pour préparer les confiseries. Berlingots et bergamotes, pralines et loukoum, réglisses et tourons, toutes ces reliques glissent entre mes doigts trop grands et trop long alors que je me retiens de cracher dessus. Non, ce ne serait pas gentil.
Je suis un peu fatigué d'être gentil.

La boutique est ouverte depuis quelques minutes et je n'ai aucun client. Rien d'étonnant, mais je récupère une dizaine de petits bonbons pimpants et les enroule dans un paquet tout lisse et tout clair.
Qui aurait cru qu'un aussi joli et délicat emballage puisse être façonné par les mains d'un homme aussi amer que moi.

Je pose le paquet dans un coin. C'est pour l'autre monstre, là – décidément, ils le font exprès de venir traîner leurs faces laides et répugnantes dans ma boutique. Je suis en manque filles trop jolies et de jupes trop courtes.
Mais je l'ai déjà dit ; on s'habitue.
Je m'habitue, et même toutes ces choses que j'ai appris à détester, comme le sucre, comme les monstres, comme le monde, j'ai maintenant appris à en avoir pitié.

Je suis trop noble et je m’écœure.
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conscience vouée à l'errance
Opium
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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaDim 11 Jan - 17:09

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» FT. SUCRE

Pour une raison aussi dérisoire que le temps s'écoulait inlassablement, la garde robe d'opium était seulement constituée de robes - ou presque, il subsistait bien quelques jeans et hauts. Pour certaines, elles avaient des déchirures qui rappelaient les mésaventures qui lui arrivait parfois - trébucher et s'effondrer de douleur dans la rue par exemple, mais passons - mais la plupart étaient simples, de couleurs sombres, noires pour la plupart. Cela lui donnait des airs de fillettes, encore plus que sa jeune silhouette svelte, son mètre quarante et ses traits d'enfants. Et ça lui donnait un air encore plus glauque que ses orbites vides à la place des yeux. Vêtue toujours de sombre, la désolation entretenait presque son image. Mais très honnêtement, les critères physiques étaient superficielles, et seuls les humains s'en préoccupaient outre mesure. Elle avait les pans de sa robe noire qui virevoltaient au gré de ses pas tandis que, comme tous les matins, elle se dirigeait vers la confiserie de sucre. C'était devenu presque une routine, un lieu qui guidait ses pas et la conduisait chaque jour à cet endroit. Un moment presque appréciable. Le monde n'était pas que noirceur - il était ténèbre, haha, même si les traits principaux en avait la couleur, il y avait quelques nuances plus pâles, quelques touches de douceurs même, le rouge sang par exemple. Elle avait découvert qu'elle aimait le sucré, peut-être même autant que le goût amer du salé, mais les bonbons lui offraient presque un petit réconfort. Presque là encore, car tout est relatif. Elle mangeait ses friandises, et ça lui donnait encore plus l'impression d'être une enfant qui se laisse facilement attraper par de simples sucreries. Mais oui, elle les appréciait, et elle appréciait même l'homme qui les confectionnait. Elle adorait son sourire dessiné de force sur son visage aimable, ses traits étiré en une expression polie et douce. Elle adorait les humains, parfois. Si des fois, elle les haissait et éprouvait même des envies de les égorger - sans vouloir offenser personne ni effrayer qui ou quoique ce soit - , c'était amusant de les voir échanger avec les autres, et surtout avec elle. De quoi lui soutirer presque une affreuse grimace. Son plus beau sourire, oui.

Elle déambulait dans le quartier albâtre de libra, détournant parfois les visages des autres habitants qui se retournaient et la regardaient passer en silence. Elle était habituée à leur regard froid et distant, presque dégoûtée. Ou même l'expression de pitié qui s'affichait parfois. Elle arborait la même expression impassible et froide, impétueuse, car elle venait d'un tout autre monde. Et les humains n'étaient que d'immondes déchets qui méritaient juste de se retourner sur son passage, sans qu'elle ne leur adresse un seul regard. Elle était vagabonde, elle jouait dans une autre dimension. La désolation marchait, de son allure enfantine, bien que fragile et presque saccadée aujourd'hui grâce à la douleur qui oppressait sa poitrine avec volupté, sa cigarette à la bouche. Aujourd'hui n'était pas un jour particulièrement plus beau qu'un autre, la même peine la rongeait chaque jour et s'insinuait lentement dans sa chair, dévorant encore et encore ce qu'il pouvait atteindre. Elle déchirait sa conscience, envoyait valser parfois sa raison et l'amenait sur les rives d'une douce folie. Folie qui se transformait parfois en haine et rejet pour ce beau monde dessiné et esquissé avec soins et perfection. Pourtant opium ne se droguait pas. Elle vendait, certes, mais elle ne touchait pas. Elle n'avait besoin de nulle drogue pour sentir ce mal s'épanouir en elle, hélas. Ou pour parfois délirer. Elle s'en serait bien passé cependant. Avec un soupir, elle arriva à la confiserie alors que sa cigarette était presque finie. D'un geste négligeant, elle balança et jeta le mégot plus loin avant d'entrer, faisant entrer par la même occasion les effluves du tabac. Elle avisa le confiseur, sucre, qui portait plus ou moins bien son nom, et le salua poliment d'un simple hochement de tête. Cet être humain, elle l'aimait bien. Non seulement car il était amusant avec ces pensées semblant contraster avec tous ces faits et gestes, notamment ces paroles, mais parce qu'en tant qu'observatrice, elle pouvait lire en lui. Alors elle l'aimait bien, car il portait lui aussi un fardeau, et parce qu'il préparait tous les jours des bonbons pour elle aussi. Et pour ça, il marquait un point.

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaDim 11 Jan - 18:46

Elle ramène dans ses volants des relents de cigarette. Là voilà qui débarque, fillette, avec encore de la cendre au bout de ses doigts. Son geste, distingué à travers les grandes vitres réveille en moi le besoin irrépressible d'aller m'en griller une.
Ça ne fait que douze minutes que j'ai ouvert la boutique et j'ai déjà envie de me casser.

Elle est là et hoche sa petite tête avec ses énormes orbites. Mon regard se perd dedans et je me questionne sur ce qu'il se passerait si j'y plongeais mon index. Je ne le ferais pas, mais je détaille ses genoux cagneux et sa petite robe qui roule tout autour de ses mollets. Je lui souris.

― Eh bien, Opium, tu es toute en beauté aujourd'hui.

Mais je ne force même plus le sourire ; il se coule sur mes lèvres comme la fonte dans son moule. La petite fille trop morte pour le monde des morts secoue un peu de peine. Elle dénote dans ma confiserie aux couleurs pastel comme une grosse tâche d'huile de moteur. Accoudé nonchalamment à mon comptoir, je renifle un peu et bon sang, cette odeur fait baver mes poumons.

Heureusement que je ne la trouve pas jolie, sinon je devrais lui dire comme je pense qu'elle est répugnante, et je n'ai pas envie de blesser ce petit brocart de vie.

Mes mots pèsent dans ma bouche ; je cherche rapidement ceux que je peux dire sans craindre de me brûler et ceux qui doivent continuer à tapir l'immense gouffre de mon amertume. Mon odorat s'agite encore, je me lève, rabat mes cheveux en arrière et attrape d'une main distraite le petit paquet de soie blanc.
Je vais lui déposer dans ses mains et je frotte le sommet de son crâne de ma paume sèche.

Je deviens gentil.
Je ne peux même pas lui dire « tiens, c'est pour toi, petite », parce que c'est vraiment pour elle et qu'elle est vraiment petite. J'affiche un visage taillé dans le sourire et la candeur.

― Je déteste l'odeur de la clope.

De toute façon, personne ne viendra d'ici une heure. J'ai vu, par delà le trottoir, leurs regards indignés quand la fillette aux yeux de vide a posé sa cheville sur mon parquet crème.

Je lui tourne le dos, sort une cigarette, un briquet, l'enclenche. La fumée spiralée ondule du fond des mes poumons aux poutres du plafond. Je ne suis pas supposé fumer à l'intérieur de la boutique. C'est une règle que je me suis imposé car l'odeur du sucre mêlée à celle du tabac frise le vomi.

Qu'est-ce que ça fait du bien.

Je ne peux pas rester ici. Je pousse de l'épaule la porte arrière déjà entrebâillée – hors de question qu'une seule porte soit fermée ici – et me dirige dans la ridicule petite ruelle grise qui enlace l'arrière boutique. D'un petit geste de la main, j'invite la fillette aux yeux comète à me suivre.

J'en suis sûr ; ce tribut, c'est juste pour apprendre à me la fermer.
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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaDim 11 Jan - 19:27

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» FT. SUCRE

_ Eh bien, Opium, tu es toute en beauté aujourd'hui.

Ca lui arracherait presque un sourire. A la place, tu observes le sien de tes yeux froids et détachés. Et sur ses lèvres, ses commissures finirent par se relever en un rictus vraiment mauvais. Celui dont la fillette avait le don, celui qui fait hérisser la pilosité de certains, et fait couler une sueur froide à d'autres. Si personne ne s'était demandé un jour si la jeune fille avec les orbites vides, qui se baladait avec du sang sur le corps parfois, était une psychopathe, alors personne n'était sain d'esprit. A la voir, un rictus mauvais sur le visage, à manger des bonbons, ses pas parsemés de souffrance et de haine. Oui, personne n'était sain d'esprit pour ne pas l'avoir pensé. Et ça, c'était une question sans réponse, presque une évidence. Les hommes n'étaient pas tous sains d'esprits, mais la raison la leur avait sûrement fait penser. Les hommes n'étaient que rarement sains d'esprits. Cette société était de toute évidence malade pour avoir engendré le monstre qu'elle était. Mais même si elle détestait cette naissance, qu'elle avait toute l'inimitié possible pour les hommes, elle demeurait tout de même satisfaite d'exister. Quelle autre objet de plainte sinon son fardeau ? Le reste, elle s'en accommodait pas mal. Et puis la douleur, à son grand malheur, avait fini par être une partie d'elle. Difficile à admettre, même pour elle-même. La morsure de la douleur, ce mal qui s'insinuait dans tous ses pores, transperçait son être, sa peau, qui faisait fléchir ses muscles et ses membres, oui elle avait fini par s'y accommoder. Pourtant, elle était loin d'être masochiste. Enfin c'est ce qu'elle se plaisait à penser. En vérité, elle était plutôt une grosse sadique, lorsque son esprit s'exprimait à travers cette bouche d'enfant, avec sa voix fluette et douce.

_ Je déteste l'odeur de la clope.

Le paquet en soie blanc en main, opium le rangea soigneusement dans sa poche. Tandis qu'elle le remerciait, elle reçut cette étrange démonstration affective dont les humains avaient le don. Elle gardait la trace chaude presque brûlante, à vive, sur sa tête pendant un moment, consciente que cette sensation en devenait presque douleur. Avec un petit rictus en coin, le genre de mini rictus sadique qui fleurit parfois sur son visage, opium le regardait fumer dans la boutique. Cet homme le fascinait presque. Elle accepta son invitation et s'engouffra par la porte arrière qu'avait ouvert sucre, et se retrouva dans une petite ruelle grise. L'endroit était presque dans la pénombre, sans le ciel en hauteur pour illuminer un peu l'endroit, et c'était plutôt calme par ici. Elle attrapa son paquet de tabac, s'empara d'une cigarette et l'alluma. Ce qu'elle fumait. Elle fumait beaucoup trop. Mais ces poumons étaient déjà atteints des maux les pires existant, et elle ne pouvait pas mourir. Alors elle envoyait valser toutes les conventions, elle jetait du sang sur la déesse et irait même jusqu'à écraser son mégot dans les yeux du diable s'il le fallait. Encore fallait-il qu'il existe. Elle était plutôt contente, en fait.

_ Dis moi, pas intéressé par de la drogue par hasard ?

Pour une entrée directe en la matière, c'était abrupt. Il n'avait sûrement même pas connaissance qu'elle une dealeuse de drogue, probablement la seule dealeuse active à libra pour le moment d'ailleurs. Les affaires marchaient plutôt bien à l'heure actuelle, et elle avait même le temps pour inventer des trucs toujours aussi plus osés pour le plus grand plaisir de sa cliente favorite, la plus fidèle. En ce qui concernait la relation avec sucre, il fallait dire que de base, ils n'en n'avaient pas vraiment une alors, quitte à le froisser, elle s'en moquait pas mal. Elle continuerait à être une cliente régulière, pour son plus grand déplaisir. Elle pensait à quelques aphrodisiaques, à quelques drogues douces qui pouvaient se mélanger délicieusement au chocolat en un rendu vraiment intéressant. De quoi ravir certains clients avides de ce genre de services. Elle souffla sa fumée en silence, attendant la réponse sans trop savoir à quoi s'attendre. Et contre toute attente, les mots qui s'étaient pressés à ses lèvres, franchirent sa bouche. Ca faisait trente ans qu'elle en crevait de pouvoir le dire, et de balancer sa haine à la gueule de quelqu'un. Pas de chance, sucre, ça tombait sur lui. Et il fallait dire que ça commençait à lui peser sur le coeur, à les voir tous les jours. Elle n'avait pas trouvé autre chose que la stupidité comme réponse à sa naissance, et ça lui faisait verser des larmes de rage, et saigner parfois. Un jour, elle concoctera une drogue puissante, addictive, qui les feront tous tomber et souffrir. Et lorsqu'ils ramperont par terre, et crèveront sans fin, elle leur marchera dessus.

_ Je déteste les humains, finit-elle par cracher.

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaLun 12 Jan - 1:14

Adossé contre le mur de petites briques blanches, je fume une cigarette avec une fillette. Le pire, dans tout ça, c'est que je n'en ai rien à battre.
Je ne sais même pas quel âge elle a. J'abaisse mes yeux dans sa direction, et je vois la raie de ses cheveux s'emmêler dans un zig-zag corbeau. Quatorze, peut-être moins ? On ne peut pas être sûr de ça, ici.
Moi-même je ne sais pas mon âge. Moi-même je ne sais pas exactement depuis combien de temps je suis ici, à lever mon front vers ce ciel trop bleu et à me dire que, putain, quand même, ma barbe pousse vachement lentement.

Elle fait si jeune dans ses vêtements candides, que ça ne me choque même pas lorsqu'elle s'en grille une du bout de ses lèvres de vierge. La scène de nous deux, enrubannés dans nos fumées, à un air drôlement irréel. C'est glauque, un peu dégoûtant, je fais presque un mètre quatre-vingt dix, et elle elle est ridicule et pourtant elle aspire la nicotine plus vite que moi.
Pourquoi je ne réagis même pas ? J'ai vraiment mal tourné, ces derniers temps.

Si elle me demandait du feu, je lui tendrais mon briquet.

Elle est si dégoûtante, et poisseuse avec sa peau calcaire. Je n'y fais pas souvent gaffe parce que mes yeux sont trop attirés par l'absence des siens, mais là elle m'envoie un souvenir dans la tronche, juste un embrun désagréable d'avant ma mort. Ces gamines de treize piges qui portaient des bas résille et des strings fluos.
Elle, c'est pas vraiment ça ; mais j'ai la même envie de lui dire aller, rentre chez toi, fais toi un chocolat chaud et va au lit, c'est l'heure.

Mais je sais qu'elle est mille fois plus vieille et plus cassée que moi et honnêtement, si elle ne l'était pas, ce serait moins amusant.

Elle lance de but en blanc :

― Dis moi, pas intéressé par de la drogue par hasard ?
― Mmh. Peut-être, dis-je après avoir pesé le pour et le contre.

Ni vraiment un mensonge, ni vraiment la vérité ; quelques astuces que ma langue a développé pour feinter cette malédiction post mortem.

Et non, petite, je ne suis même pas surpris. Comment pourrais-je être surpris par une poupée de chiffon aux orbites évidés qui grille une clope avec moi dans une ruelle tamisée ?
Je hausse à peine un sourcil. J'ai fini ma cigarette, je l'éjecte d'une chiquenaude et m'en allume une autre. Je fume un peu vite.

Je ne suis pas particulièrement fan des drogues. Mais la fillette à l'âge immortel me rend curieux ; fourre-t-elle autre choses que des guimauves dans les grandes poches de sa robe noire ?

Oui – elle cache la haine du monde.

― Je déteste les humains.

La si petite fille avec sa clope entre deux phalanges m'arrache une surprise et un ricanement. Je l'avoue – celle là, je ne l'ai pas vu venir, et je me dis que j'ai eu vraiment raison de ne pas lui donner un coup de pied au cul quand elle a ramené sa face creusée dans ma boutique.
Je l'aime bien, finalement. Je regarde le mur en face, et souris.

― Moi aussi, Opium. Moi aussi je les aime.

La fumée gratte ma gorge.

― De tout mon cœur.

J'ai si souvent eut envie de tout détruire ; peut-être que cette ridicule silhouette gamine à côté de moi pourrait émietter le monde mieux que je ne l'ai jamais pu. Je tourne ma nuque vers elle et abaisse mes cils. L'amusement retrousse mes lèvres, je feins la nonchalance.

― Envie d'ajouter autre chose ?

Mon tribut m'a souvent forcé à poser des questions pour me détourner de la vérité ; mais pour une fois, pour cette fois là, aucun mensonge ne contorsionne ma langue. J'ai vraiment envie d'entendre ce que cette fillette aux mimiques brisées pourrait bien me confier.
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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaLun 12 Jan - 18:20

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» SUCRE & OPIUM_

_ Mmh. Peut-être.

La fumée blanche s'évaporait dans les airs, effectuant un dernier sillage avant de s'éteindre, pour se perdre, à jamais. Elle avait les yeux perdus dans le vide, le même vide qui constituaient ces yeux. Quelques minutes s'étaient écoulées avant qu'il ne lui adresse sa réponse. Elle n'esquissa aucun mouvement ni geste à son entente et demeura aussi immobile que pouvait l'être une statue de marbre, ou une poupée. Mais contrairement à ces belles poupées de porcelaine, magnifiques, aux traits soignés, elle était la personnification de la douleur. Elle était trop maigre, trop fine, son visage trop émacié et presque creusé comparé à ces poupées aux joues rondes. Elle n'avait pas de grands yeux, mais à la place deux orbites vides immondes dans lesquelles pouvaient se nicher un insecte, si opium l'avait voulu. Ses cheveux n'avaient pas de belles boucles à l'anglaise, ni une couleur chatoyante, ils étaient longs, beaucoup trop fins, retombaient en des mèches insipides légèrement ondulées et d'une couleur fade, sombre aux reflets violets étranges. Elle ne possédait pas une peau douce d'enfant, elle était juste lisse, et beaucoup trop blanche, presque d'une couleur maladive. Elle n'était pas une beauté, elle n'avait que les traits d'une fillette qu'on avait presque dessiné à la hâte. On lui avait donné la forme souhaité, et on avait laissé la douleur façonner le reste. Ses lèvres n'étaient pas pulpeuse, elles étaient normales, lui donnant de l'insignifiance. Elle tenait dans sa bouche sa cigarette de manière nonchalante, les lèvres légèrement entrouvertes pour laisser la fumée ressortir. La fumée qui s'échappait de sa bouche lui cachait pendant quelques secondes le visage, cachant les immondes trous béants qui servaient pour sa vue.

_ Moi aussi, Opium. Moi aussi je les aime.
_ De tout mon cœur.

Elle lacha un petit ricanement à la fois mesquin est amusé. Le genre de petit rire mi-mauvais mi-monstre qui se faufilait parfois hors de sa gorge, mais qui partait de son coeur. Le petit rire enfantin d'une enfant, mais avec le mauvais fond qu'elle possédait. Elle posa ses yeux sur lui, ou plutôt les leva vu sa taille comparée à la sienne et esquissa un demi-sourire, sans que celui ne se termine trop en grimace pour une fois. Cela relevait plutôt de l'inédit, mais ça lui arrivait parfois que son visage ne soit pas déformé par un rictus hideux. Pour un peu, et elle avait presque le visage d'une véritable fillette. Sucre, sucre. Elle était loin de ne pas apprécier cet homme, bien au contraire. Et elle était finalement heureuse d'avoir l'occasion de faire sa connaissance. Peut-être avait-elle l'impression que pour une fois, quelqu'un - même si c'était un humain - la traitait comme un individu. A part entière. Et non pour ce qu'elle était. Non pour ceux à qui elle appartenait, et non pour ce qu'elle représentait, elle et son fardeau qui lui serrait le cou étroitement d'une main glacée. C'était peut-être de la reconnaissance qui naissait au fond d'elle, ou peut-être un vague sentiment d'appréciation. Ce type. Elle le trouvait plutôt sympa, tout compte fait.

_ Envie d'ajouter autre chose ?

Toujours les yeux fixés sur lui, elle s'adossa au mur et souffla la fumée, la recrachant de ses poumons endoloris. Elle pencha légèrement sa tête vers la droite, l'air presque sérieux et réfléchit pendant quelques secondes. Elle s'autorisa même un soupir. Le petit soupir de ponctuation, celui qui n'indiquait pas l'ennui, l'exaspération ou même le désespoir. Si elle avait envie de rajouter quelque chose ? Les idées se pressaient les unes après les autres. Elle aimerait arracher la tête de certains et jouer au ballon avec leur tête, est-ce que cela comptait ? Il fallait dire qu'elle n'était pas connue pour aimer les hommes, eux qu'elle trouvait si stupides et si méprisables. Elle les détestait, c'était même une certitude. Ca leur faisait un point commun, somme toute. Avec sa voix froide qui trancha le silence, elle répondit avec toute honnêteté.

_Je pense que d'ici peu, mes mains seront souillées de sang, et pas le mien, souffla t-elle.

Elle redressa sa tête droite, et passa la main dans ses cheveux dans un geste simple. Elle esquissa un petit mouvement de la main qui tenait sa clope, quelque chose qui ressemblait à une tête de découpée, ou quelque chose dans le genre. Un ricanement lui chatouilla la gorge, mais ne franchit pas ses lèvres. Rien que son allure ne la faisait pas ressembler à n'importe quelle autre fille de son âge, et si elle se commençait à parler d'arracher certains membres à une tierce personne. Haha. Ca lui donnait vraiment envie de rire. Rien que l'image lui suffisait pour lui arracher presque un petit sourire mauvais. Peut-être que ces créateurs, là-haut, ou quiconque l'avait conçu - en excluant les hommes pour sa naissance - avait oublié de programmer ses gênes pour la rendre aussi inoffensive qu'une fleur, ou aussi douce que possible. Hélas, on ne l'avait pas fabriqué parfaite, ni toutes options. Elle pointa un index vers sucre, pensive, sur la pensée qui l'avait traversé. Parfois, elle agissait comme une enfant. Difficile de dire si ses gestes étaient calculés ou non, si ils étaient conçus pour décontenancer son interlocuteur, le rendre mal à l'aise ou chercher à le cerner. Elle était parfois l'opposé de méchante, pouvait montrer des élans de tendresse - elle aimait les bonbons et elle appréciait même le confiseur. Mais on la disait observatrice et calculatrice. Mauvaise.

_Ton tribut ? demanda t-elle même si elle se doutait déjà de la réponse.

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaMar 13 Jan - 1:36

― Je pense que d'ici peu, mes mains seront souillées de sang, et pas le mien.

La petite fillette aux yeux qui dévorent le monde m'arrache un rire. Elle me pétrit de surprise dans ce monde qui a le goût fade de l'insipidité.
Quelques mots se forment dans mes pensées et se taisent sur ma langue, alors que mes yeux s'acheminent vers le mur ; mais qui est-elle.
Qui est cette furie néfaste et putride qui traîne ses souliers dans ma boutique, enfourne des sucreries dans sa bouche, des cigarettes, des mots violents, et qui est éprise du doux rêve d'avoir de l’hémoglobine séchée sous les ongles ? Un vrai amour.

Je secoue la tête dans un sourire et je questionne.

― Est-ce que ce sera mon sang ?

J'ai envie de plaisanter, oui, j'ai envie de rire avec cette petite aux côtes fêlées, j'ai envie d'ajouter « J'espère que non », mais mon tribut m'en empêche. Un profond soupir déplace mes clavicules et je me dis que, peut-être que si j'éprouvais le véritable désir d'être dépecé, je pourrais plaisanter avec elle.
Plaisanter sincèrement ; ça me bouffe.

Mais la douleur, ce n'est pas franchement ma came. Je passe ma paume sur mon visage comme effacer les années de mes pattes d'oies ; je suis un adulte, pourri, rongé, et j'ai envie de blaguer avec une mort enfantine.

Quelque chose ne va pas depuis que je suis ici ; peut-être était-ce comme ça aussi, avant.
Quel genre de mec ai-je bien pu être ?

Elle, elle est un phénomène.
Elle s'amuse à mimer avec ses mains, comme un marionnettiste, comme une enfant avec une poupée, agite ses doigts, tord ses poignets. Je l'observe ; elle accuse le monde.

― Ton tribut ?

Mon sourcil se lève, ma clope est finie. Déjà, encore, je la jette pour qu'elle se faufile dans une grille d’égout. Je ris.

― Moi ? Hé non, pas de tribut.

Mes cils s'abaissent vers son nez retroussé.

― J'ai la chance d'avoir été sauvé.

Puis je m'étire, tendant mes bras noués vers le ciel, faisant craquer mes phalanges. Mon corps se replace, mes épaules voûtées et nonchalantes, une main frotte ma nuque, l'autre se fourre dans ma poche, j'esquisse une enjambée pour retourner dans la boutique.

Damné à la banalité.

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaJeu 15 Jan - 23:29

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» SUCRE & OPIUM_

_ Est-ce que ce sera mon sang ?

Quels délices pourrait-elle trouver dans les veines pures de cet homme ? Trouverait-elle une nuance sucrée ou bien le doucereux goût amer de la vie ? Que pouvait cacher et receler ce sang frais qui pourrait recouvrir ses petits bras fins... L'idée de plonger ses longs doigts fins et élancés dans sa gorge la traversait. Elle grifferait de ses ongles la peau, la rongerait et arracherait ce qui se dresserait sur son passage ou alors elle se frayerait un passage vers son estomac et ses tripes. Elle ferait un beau tableau, elle jeune fillette déchirant la chair du ventre d'un homme, le vidant de ses organes. Elle avait des penchants pour la violence, et que dire de ses pensées sombres qui obscurcissaient parfois ses pensées et l'amenait sur la voie du carnage. Le plaisir délectable de la souffrance se faisait parfois ressentir dans ce corps souffrant, mais uniquement si la souffrance s'appliquait aux autres. Il y avait des instants ou elle ne souhaiterait sa peine à personne tellement celle-ci est horrible et la fait agoniser. Il y avait ces autres moments ou elle aimerait plonger ce monde dans le chaos, faire basculer tout cet univers et voir tous ces visages tordus par la douleur, déchirés, répugnants et ensanglantés. Elle se délectait de ses pensées douces qui berçaient son esprit tordu, mauvais. Elle n'était pas aussi gentille que son apparence le suggérait, ces créateurs avaient peut être donné naissance à un produit défectueux, ou peut-être l'avaient-il réalisé de manière volontaire ? Elle était parfois cet être sauvage déchiré par la folie, la haine, et à la fois cette créature étrange qui semblait avoir des années dernière elle, la peine l'ayant rendu plus mature que son âge ne pouvait le permettre. Par rapport à la question qu'il posait, elle approcha un doigt de ses lèvres, un petit rictus accroché au bout de ses lèvres, pour montrer que c'était un secret, penchant la tête légèrement sur la droite comme si elle réfléchissait à quelle couleur pouvait avoir le sang de sucre. Rouge, bien entendu. Un ricanement mauvais, aux accents enfantins douloureux, s'échappa de sa bouche sans que rien ne puisse prévenir. Son rictus toujours dessiné sur les lèvres, ses orbites vides dirigés vers son interlocuteur, elle ne s’inquiétait guère de ce qu'il pouvait penser, ou de faire peur. Elle jeta son mégot par terre, un peu plus loin, le calant sur son pouce et l'éjectant avec son index tandis qu'elle l'écoutait poursuivre.

_ Moi ? Hé non, pas de tribut.
_ J'ai la chance d'avoir été sauvé.

Le regard toujours plongé vers le visage rieur de cet homme, la jeune fille resta silencieuse. Que répondre à cela ? Elle percevait des choses qu'elle ne pouvait toujours pas expliquer en cet homme. Quelque chose qui n'était pas vraiment un manque, ni une tristesse ni une douleur, une note subtile qui l'accompagnait dans ses pas, sa démarche et ses pensées, qui rôdait dans l'ombre, suivant sa vie. Elle n'avait pas des mots pour décrire cette sensation, ou mettre des lettres sur ce qu'elle ressentait. En un sens, sucre était un homme bien curieux qui avait éveillé une sorte de curiosité. Sans doute cette curiosité était mal placée, et les attentions d'opium n'étaient pas les bonnes. Elle mettait, telle une enfant, son nez dans les affaires des hommes juste par goût de la connaissance et du savoir, pour vérifier et comprendre. Elle découvrait souvent des souffrances cachées, des maux qui rongeaient un être, parfois même sans réfléchir aux conséquences elle les exposait, puis une fois satisfaite, elle repartait sans se préoccuper des lambeaux ou du cadavre qui pouvait agoniser derrière elle. Elle ne connaissait pas bien les sentiments qui œuvraient dans l'ombre dans le coeur des humains. Son coeur n'était pas réellement celui d'un humain. Elle possédait la haine, la satisfaction et même un peu le plaisir mais que dire de l'empathie ou de tous les sentiments humains ? Elle n'avait rien trouvé de tel dans son coeur froid, insipide et glacé. Il était vide de toute notion de ce genre. Et pourtant, elle éprouvait parfois des sentiments à l'égard des vagabonds qu'elle ne détestait pas autant que les humains. Même, elle arrivait à les apprécier. Chose étrange, non ?
Elle resta plusieurs minutes dans la ruelle, vide et silencieuse, de petite taille, laissant parcourir ses pensées sur sucre et ses manières, ses manies. Parfois, les humains échappaient à sa propre compréhension, et il y avait des moments où elle lisait si aisément en eux. Tout dépend des personnes, des individus et aussi du moment présent. Actuellement, elle ne se sentait pas moins concentrée que d'habitude, la douleur était aussi forte qu'à l'accoutumée, et pourtant elle n'arrivait pas à déchiffrer derrière ce visage qui aurait pu être un masque parfait dessiné avec de la chair. Elle poussa un petit soupir, et rentra dans le magasin, de sa démarche enfantine et insouciante alors que ses pas lui auraient volontiers arracher une grimace de souffrance, alors que sa peau semblait se déchirer à chaque mouvement et que sa maigre poitrine l’étouffait à chaque battement de son coeur. Avec un petit sourire d'enfant, qui ressemblait davantage à un rictus douloureux qu'un sourire, mais qu'elle offrait à cet homme avec plaisir, des mots franchirent ses lèvres. Sa voix était douce, avec une once de froideur si caractéristique de sa voix, avec son accent enfantin mais avec le ton posé si calme qui reflétaient son caractère.

_ Non ton sang. Celui d'un autre.

Elle avait même presque eu l'envie de rajouter, de sa petite voix fluette "parle, dis moi qui et je m'en occuperais" mais elle garda la fin pour elle. Elle parcourra sa main sur la vitrine, sans pour autant la toucher tandis que de ses yeux elle contemplait toutes les sucreries qui étaient à vendre. Tant de douceurs crées dans le but de rehausser ce monde fade et amer. Pourquoi tout semblait illusoire, pourquoi cela donnait-il l'impression que l'homme cherchait à se réconforter ? Et pourquoi, elle, vagabonde errant ici bas, venait ici pour se réconforter autant que les hommes. Les questions se bousculaient presque dans sa tête et elle se laissa aller à ses interrogations qui divergeaient tandis que ses yeux froids se perdirent dans le vide. Froid. Douleur. Peine. Glace. Infini.

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaJeu 22 Jan - 1:33

Mes mains passent de mes poches à mon visage, de mon visage à ma nuque, de ma nuque à ma mâchoire ; l'index gratte mon menton et les pas de la petite fille éteinte ne parviennent pas jusqu'à mes tympans. J'attends l'instant où le bref murmure de la rue, qui se cogne contre la grande vitrine, sera rejeté par le froissement de ses froufrous. J'attends l'instant où elle fera resurgir ses lèvres salies par le mégot et ses joues creusées par sa dureté millénaire. J'attends l'instant où je devrais glisser derrière elle et dégager d'un coup d'épaule la porte, parce que je n'aime pas lorsque le verrou s'enclenche. Un interstice me convient, juste un trait vertical par lequel prendre la fuite.

La vie ici n'a aucun sens.
Rien n'a de sens d'être mort et d'être encore en vie ; de savoir que l'on avait une mémoire mais de ne plus y avoir accès ; d'avoir été sauvé mais d'avoir été puni. C'est d'une grande injustice ; j'aurais préféré me faire mâcher par les vers plutôt que de continuer à ingurgiter mes mensonges.

Je souris ; les chevilles de la petite fille vermine viennent de franchir le cadre en bois vieilli de la porte arrière. Dans la rue pavé de blanc, de bleu, de jaune entrelacés dans une mosaïque mièvre et onirique, j'intercepte les peaux des passants qui blêmissent en voyant l'enfant cadavre dans ma boutique. Elle va me faire perdre de la clientèle ; sa mauvaiseté transpire à travers mes vitres, un peu sales, il faudra que je dise à l'autre vagabond de venir y frotter un torchon.

Mes mains sont de retour dans mes poches, j'ai le goût de la clope sur la langue et l'odeur du sucre dans le nez. Je renifle.

― Tu veux boire quelque chose ?
― Non ton sang. Celui d'un autre.

Il ne faut pas demander des choses aussi banales à la petite fille dont les globes oculaires ont été avalés un soir d'été. Je lâche un rire, c'est de la surprise, c'est du plaisir – j'ai beaucoup de joie à constater la hargne délicieuse des autres quand la mienne croupit dans mes articulations.

― Tu dis des choses si ravissantes.

Le vocabulaire s'emmêle, un mot se substitue à un autre. Je pose sur elle un regard presque trop paternel et presque trop intéressé ; ça brille. J’exulte un besoin cathartique et la nécessité de poser la question tend tous mes muscles. Je souris.

― Tu fais souvent des choses comme ça ?

Je peux à peine formuler, les mots se cassent sur le sceau de ma langue, mais j'attends que la petite fille qui rêvait d'hémoglobine me raconte comment elle s'y prenait pour laisser sa colère frapper les autres.
Je n'ai jamais pensé à tuer.
Je n'ai jamais pensé que ça pourrait être utile, ici. Mais maintenant l'idée me tente ; il n'est pas bon d'en envoyer les germes dans mes désirs trop amers. Elle n'a pas encore répondu, mais je dois occuper mes phalanges qui se crispent sous la violence de mes envies. Mes doigts rabattent mes cheveux en arrière.

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaJeu 22 Jan - 15:01

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» SUCRE & OPIUM_

_ Tu dis des choses si ravissantes.

Elle écorchait sa voix enfantine sous le flot de propos puérils et mauvais, l'indécence et la haine de ses mots perdait toute crédibilité dans sa bouche - ou presque, si on comptait son apparence morbide presque en décrépitude. La jeunesse, elle l'effleurait presque avec sa silhouette menue et ses traits d'enfant, la vigueur l'avait pourtant déserté, donnée inconnue à ce corps malingre et souffreteux. Son esprit fugace n'avait point vécu l'enfance bercé de rêves et d'illusions innocentes, parsemée de tendresse et de bonheur. Elle n'avait connu que sa plaie, vive et chatoyante, qui caressait son âme et la baignait d’amertume ou seule la haine avait pu se nicher, se propageant vicieusement. Elle était laideur, point ravissement, comme le lui montrait bien les passants qui ne s'arrêtaient pas dans la boutique à cause de sa seule présence. Elle regardait Sucre de ses deux excavations sans fond, lui qui allait en pâtir mais qui lui avait pourtant trouvé un certain charme et l'acceptait. Peut-être était-elle simplement une curiosité, un être insolite séjournant dans deux mondes distincts, attisant par sa singularité l'intérêt de certains. Nul agissement ne se faisait par désintérêt, on trouvait toujours plusieurs causes ou raisons à une action, la plupart du temps.

_ Tu fais souvent des choses comme ça ?

Doucement, un petit rictus à la fois amusé et à la fois malveillant se retroussa sur ses fines lèvres. Opium était mauvaise, elle le savait bien et pourtant, elle ne se lassait pas du vice qui se répandait autour d'elle. Elle voyait clairement des idées fleurir et naître dans l'esprit du confiseur, doucereuses, amères et alléchantes. Elle avait planté la graine de manière subtile et adroite, et déjà elle la voyait s'épanouir. Ce n'était nullement par méchanceté toutefois, car elle appréciait cet homme qui était l'une des seules personnes n'attisant pas son animosité. Mais franchement, opium, aider quelqu'un, être gentille, ce n'était franchement pas son truc, alors il aurait mieux valu qu'elle ne tente pas une pâle et timide tentative d'approche de la bonté. Et pourtant, se sentant presque poussé des ailes de bienveillances - enfin n'exagérons rien, disons qu'elle agissait juste impulsivement, de manière à agir selon ce qu'elle pensait et voulait.

_ Tu aimerais essayer ? lança t-elle de sa voix fluette, presque un halo brillant de pureté au sommet de son crâne.

Sonnant comme une invitation, sa voix froide avait pris un ton doux où s'entendait imperceptiblement l'amusement. Tout n'était qu'implicite et suggestions, et elle s'amusait de ce que pouvait bien imaginer son interlocuteur. La voie du carnage s'offrait à lui, ouvrant doucement ses belles portes imposantes. Convoitise. Pulsion. Envie. Désir. La douleur vendait des produits, et elle vendait surtout des possibilités, du rêve, de quoi soulager son âme en peine, de quoi nourrir son être. Elle sentait que l'envie le démangerait certainement, mais irait-il jusqu'à accepter de visiter cet autre monde ou la souffrance se muait en doucereux plaisir et satisfaction ?

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaSam 24 Jan - 1:42

Je peux presque affirmer que je ne suis pas quelqu'un de mauvais.
Presque – si j'avais accès à ma mémoire, peut-être pourrais-je en avoir la certitude. J'ignore si, durant ma vie réelle, je parle de celle avant ma mort, où je pouvais encore lâcher des obscénités honnêtes sans que ma langue ne se retourne contre moi, j'ai été mauvais.

Je ne frappe pas les gens ; je n'ai ni les poings sanglants ni même une lubie pour les armes. J'ai bien dû me battre une ou deux fois, dans les bars de Libra parce que les effluves de l'alcool faisaient vrombir mes tempes, mais rien de bien sérieux. Certes, je fume, je couche, je trompe, je pense des saloperies, je méprise le monde, mais je ne suis pas mauvais.

Maintenant que l'on m'a volé mon habileté à blesser avec ma bouche, je ne suis plus capable de rien ; je me sens eunuque.
C'est plus que ma virilité que l'on m'a amputé. Je macère dans le fantasme.

Je fantasme, converse en solitaire, violenté au silence. Je me retrouve esseulé, formulant dans mon crâne les vacheries que je rêve de sourire et les tais dans mon ventre. Elles deviennent des pensées mortes-nées, gigotent dans leur dernier souffle et s’amoncellent sur ma nuque.

Toutes ces choses que j'ai toujours voulu faire ; mais faire du mal avec mes mains, mes pieds, mon front, peut-être une lame, jamais.
Je ne plane pas comme ça.

― Tu aimerais essayer ?

Mon sourcil transparent se lève et mon œil fixe les deux cavernes de son visage. L'inflexion de sa voix est devenue douce et fluette, légère comme un petit oiseau. Je hausse les épaules ; un autre mensonge se détache de ma glotte et tombe dans mon estomac. Une demi-lune creuse mes lèvres.

― Ah, quelle question !

Un rire de miel m'emporte comme une bourrasque. Je joue le jeu de la niaiserie ; nous fumions, nous parlions de la haine acide et du sang qui tâche.
Je ne peux même pas ériger ma défense ; j'abdique.

― Mmh. Pourquoi pas.

Je suis presque certain ; je ne suis pas quelqu'un de mauvais. Où s'il existe des degrés de mauvaisetés dans lesquels plonger ses bras, je dirais que j'y suis à peine jusqu'au coude. Il faudrait que je m'embourbe plus profondément pour vouloir éteindre un corps et non plus l'étreindre.
Ma violence est trop lointaine.

Mais j'ai très envie d'entendre ce que la fillette chimère peut apprendre à un homme à moitié mauvais comme moi.
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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaSam 24 Jan - 16:07

» douceur, douleur, splendeur_

Enfermée dans sa prison de glace qui la balafrait de part en part, elle vivait dans le monde des hommes sans que ce dernier ne puisse interférer sur elle. Elle évoluait tel un fantôme sans qu'aucune autre forme de douleur extérieure puisse se heurter à elle. Les lames se plantaient sans qu'aucune émotion ne se trahisse sur son visage froid, les griffes arrachaient sa peau sans même la faire sourciller. Le mal mordait déjà sa chair, le poison coulait dans ses veines. Sa vie était un supplice doucereux, une longue torture éternelle. Ces peines l'avaient enfermé dans un autre univers, ou elle était inatteignable de toute autre forme de souffrance. Elle était détachée de ce monde, pourtant elle s'employait à co-exister avec lui, essayant de forcer le destin, jouant avec sans qu'en retour elle ne ressente quelque chose. Parfois, elle sentait le trou béant qui la distançait de cette réalité, le vide poignant qui la laissait seule, de l'autre côté. Elle essayer de ne pas se condamner à la solitude, en se confondant dans la foule de la ville et pourtant... cela nourrissait juste sa haine et le vide qui grandissait en elle. Elle crachait pourtant toute sa colère, toutes les pulsions qu'elle s'appliquait à refouler en elle or tandis que son corps se retrouvait recouvert de sang, tandis qu'elle essayer d'extérioriser son vice, il demeurait enfoui en elle. Elle avait beau détester les hommes, elle avait beau frapper parfois, poussée et aveuglée par ses passions, que restait-il après ? Elle était toujours la même, toujours la vagabonde née de la douleur, souffrant toujours autant. C'était un cercle vicieux, ses pulsions finissaient par atteindre sa raison et elle retombait dans la déchéance, dans un flot tumultueux de rage et de déraison. A chaque fois, elle en ressortait encore plus vide... Ce moment, à l’apogée, le point culminant de cet état, était si éphémère et pourtant, elle se sentait presque libre et entière à ce moment là. L'allégresse et le sentiment de légèreté que lui procurait l'action de se défouler, c'était sa drogue.

_ Mmh. Pourquoi pas.

Elle posa ses yeux vides sur cet homme. L'aidait-elle en agissant de la sorte ou sonnait-elle sa perte ? Un petit sourire mutin, mi-rictus, se dessina sur ses fines lèvres tandis que ses doigts se saisirent de la main de sucre, serrant son poignet avec toute la force dont elle était capable. Elle sentait sa peau ployer, ses muscles se contracter pour résister avant de fléchir, nul ne pouvait échapper à l'étreinte de la douleur. Elle était forte, aveuglante, et elle s'insinuait doucement dans le coeur des hommes avec un plaisir délectable. Son corps de vagabonde était frêle et chétif, mais c'était une de ses conditions pour porter un tel fardeau. L'apparence innocente d'une fillette, pourtant souillée par les orbites vides qui remplaçaient ses yeux. Ses coups étaient vifs et puissants, sa force était insoupçonnée pourtant elle arrivait à faire mal. Physiquement. Elle n'en jouissait pourtant pas, cette interaction avec la réalité lui paraissait parfois fade. Elle pouvait voir un homme dépérir par sa faute, un jour dans sa vie trouver ça sublime et un autre moment s'ennuyer devant une scène aussi fade. Parfois elle se perdait dans la violence physique, ou même l'auto-destruction. Elle aimait sentir avec délice l'ombre de la douleur essayant de la brûler, en vain, car son mal était intérieur. Elle pouvait se détruire la main, la réduire en sang, elle ne sentirait qu'une sensation éteinte et douce la parcourir. La sensation que cette partie de son corps, quelque part, existait sans pour autant pouvoir la saisir. Elle était comme spectatrice de son corps sans pour autant pouvoir s'unir avec pleinement. Elle était détachée d'elle-même, hélas. Sans possibilités de pouvoir sentir la plénitude pour toujours. Alors, dans un souffle, elle glissa le seul avertissement dont elle était capable. Un petit rictus mauvais éclairant son visage, elle lâcha le poignet de son interlocuteur. Arpenter cette voie, c'était s'abandonner à des délices sulfureux, incompris. C'était sombrer dans les ténèbres, parcourir de ses doigts la folie pour mieux la laisser agir, c'était laisser toutes les vilenies et les pulsions ressortir. C'était faire ressortir le côté sombre de son humanité. Et aussi...

_C'est un poison, souffla t-elle de sa voix froide, une trace de douceur dans son ton.

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaLun 26 Jan - 23:13

Elle était si proche et je n'avais pas vu sa silhouette s'approcher autant. Jusqu'à présent, elle était comme une algue noire au fond d'un bassin tapissé de vase. Elle s'agitait mollement, emportée par les danses endormies des courants profonds, animant les ténèbres verdâtres de sa chevelure folle et noire.
D'un coup, elle surgissait hors de l'eau et son portrait s'imposait à moi ; la petite fille aux yeux qui avalaient le monde me faisait face et paraissait bien plus grande que son gabarit d'enfant. Elle faisait un peu monstre, un peu adulte, et quand je posais mon regard sur le grain de sa peau, j'y discernais les souffrances d'une statue de mille ans.

Sa poigne était glacée comme du granit et je lus entre des doigts les souvenirs d'une Venus.

Je ne m'y attendais pas. Je ne m'attendais pas à cette spontanéité, à la température basse de sa peau ni à la force qu'elle concentrait avait de me briser les os.
Afin de me faire mal – je suis un homme, un peu lâche et très méprisant, et je déteste la douleur. Je n'aime pas avoir mal, inutilement, et je n'irai jamais me blesser dans une bouffée de courage. Je la dévisage, une interrogation infinie vient lisser mes lèvres, mes yeux, mon front. Je ne cille pas plus qu'elle ne le peut. Nos orbites se fixent, le vide dans les siens et les globes oculaires de mon côté.

Je ne m'y attendais pas mais je ne prononce ni un mot, ni un souffle. L'attente infinie s'installe, celle d'un geste ou d'un mot. Mes yeux tombent sur cette main de basalte qui serre et presse mon avant bras et je me surprends à ressentir sa peau contre la mienne.

Je trouve ça dégoûtant ; infect.
Elle n'a rien d'humain et je me demande pourquoi sa peau ne se détache pas de ses os, et si jamais lorsqu'elle retira sa main, elle me laissera des lambeaux d'épidermes puants. Peut-être même que son poignet cédera sous son insolence et qu'il restera accroché au mien.
Je déteste qu'elle me touche. A ce moment elle, sa bouche sèche comme du papier se meut et elle dit :

―C'est un poison.
― Mmh.

Ça se sent, elle est un poison tout entier, elle est une bauge, un marécage et elle des spores à chaque fois qu'elle agite sa langue.
Je souris.

― J'aime quand tu me touches.

J'ignore si je dis ça à la fillette où à la chimère ; les deux m'amusent. Je n'esquisse aucune brusquerie pour dégager mon bras, je le lui laisse en offrande parce que la curiosité me presse la poitrine.
Mais je n'ai pas envie d'avoir mal. Je l'ai dit, je ne suis pas quelqu'un de mauvais où je ne le suis que jusqu'au poignet, mais ça, je ne peux pas lui dire.
Je suis interdit de vérités, alors je ris.

― Tu veux m'empoisonner ? Moi, l'adorable fabriquant de guimauves ?
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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaSam 31 Jan - 15:43

» douceur, douleur, tiédeur_

Ses yeux se plissaient, tandis que ses traits s'étirèrent en une moue amusée. Si elle avait eu des globes oculaires, on aurait pu y lire un éclat d'amusement au fond de ses prunelles. A la place, on ne pouvait distinguer que le fond de ces deux trous béants et vides. Seule sa grimace affreuse dessinée sur son visage pouvait révéler plus ou moins sa pensée. Elle contempla cet homme, ces mèches blondes retombant sur son visage d'ange, sa peau blanche. Le chevalier. Elle esquissa un petit mouvement de sa main qui avait lacéré sa proie, comme si elle pianotait le vide ou étirait ses phalanges. Pour finalement attraper le visage de son interlocuteur, se hissant sur la pointe de ses pieds. Une brève caresse, avec toute la délicatesse dont la douleur pouvait faire preuve, un toucher doucereux et sucré, juste le bout de ses doigts l'effleurant. Un contact presque non ressenti, léger, car elle l'avait à peine touché de son épiderme froid. Les hommes ressemblaient à de grandes poupées, des marionnettes vivantes. Sucre semblait fragile, sa peau était si déchirable, ses os pouvaient si facilement se briser et son coeur se refroidir. Plonger ses ongles dans la chair, immiscer la peine dans son être et y propager la souffrance, cette pensée la rongeait. Hélas, elle laissa retomber son bras en silence. Sucre elle l'aimait, bien qu'il était aussi humain que les autres.

_ Tu veux m'empoisonner ? Moi, l'adorable fabriquant de guimauves ?

Elle grimaça pour seule réponse. La douleur était un poison. Elle mentirait si elle disait que la souffrance ne souhaitait pas s'immiscer dans le cœur des hommes pour mieux se propager.  Mais bon, elle n'était pas née de l'honnêteté, et elle était un doux vice. L'ombre d'un sourire se dessina sur ses lèvres. Adorable fabriquant de guimauves, adorable ? Se pressant sur ses lèvres, un petit ricanement mauvais s'échappa de sa bouche. Il ne savait pas qu'elle caressait le doux rêve de voir tous les hommes sombrer, il ne savait pas que ses songes étaient remplis de corps agonisant, hurlant de désespoir et qu'elle se délectait de ses visions. Ce qu'il ignorait également, c'était que la forme d'affection que portait opium aux autres était très singulière. En d'autres mots, elle avait beau vous apprécier, elle apprécierait davantage voir vos traits se déformer sous la torture. Quelle adorable fillette elle faisait, n'est-ce pas ? Heureusement que son visage pâle et blanc demeurait illisible, impassible et qu'elle n'était pas des plus loquaces. Il y avait des choses qu'il était préférable de ne pas crier sur tous les toits.

_ darling, susurra la fillette, tu aimerais goûter à mon poison ?

Avec une petite moue désabusée, son visage enfantin prenant un air faussement innocent, elle inclina son menton. Elle attrapa sa boîte de sucreries qu'elle avait mise dans sa poche, l'ouvrit avec délicatesse et l'émerveillement d'un enfant – enfin n'exagérons rien, elle l'avait juste ouverte normalement – avant de s'emparer d'une sucette qu'elle fourra dans sa bouche. Elle ignora pendant quelques secondes sucre, avant de darder ses deux excavations sombres vers lui, les lèvres déformées par un rictus mauvais. Adieu l'image de l'enfant innocent, aux allures de fillettes. Le masque tombait pour laisser apparaître le monstre sadique qui s'abritait en elle, aux penchants mauvais et malsains. Elle jouait de sa nature d'enfant, de son apparence et de ce que cela faisait comme effets sur les autres. Pour la plupart, cela faisait naître de la pitié. De quoi pouvoir en abuser. Avec sucre, c'était juste une manière de jouer un peu. Elle rangea ses autres gourmandises en silence. A nouveau elle reprit son petit visage d'ange, ses mèches folles noires retombant autour de son visage avec presque négligence. Elle s'éloigna un peu de sucre, toujours le fixant et lâcha :

_ J'ai crée une nouvelle drogue, je suis sûre qu'elle te plairait.

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaLun 2 Fév - 1:03

Le problème était qu'il n'y avait nulle part où s'asseoir.
J'avais le désir et l'inquiétude de pousser l'interview plus loin avec la petite fille qui avait des crânes à la place des rotules. J'avais le désir d'extirper à la pince à dent ses mille confessions ; toutes les nuances de son anormalité et les pourtours de sa difformité. J'aimais entendre ses miasmes ronronnés en pressant ses petites paumes l'une contre l'autre ; j'aimais les sentir, elles aussi, contre mon derme, prête à pourrir et à se nécroser.

J'avais donc envie de l'inviter à s'asseoir à l'une de mes non-présente table, pour boire une boisson fraîche que je ne possédais pas, plonger mes yeux dans les siens qu'elle n'avait pas et rire, de tout, du monde et de la mort.

Mais j'étais un homme, et donc un lâche. En plus, je n'avais ni chaise, ni table.
Je me dit qu'il faudrait un jour que j’aménage cette boutique que j'avais récupéré comme on récupère une bête qui crève sur le trottoir ; par profond dépit et avec beaucoup de pitié.
Je ne l'invitai pas à s'asseoir.

La petite fille qui avait trop de fémurs me promettait, dans ses mimiques candides, beaucoup de peur, de souffrance, et de malheur. Elle avait lâché mon bras et j'avais gardé mon sourire. Comme pour occuper mon membre soudain retrouvé, ma main s'était accaparée à replacer mes cheveux en arrière. Il fallait s'assurer que tout soit encore à sa place.

Il me semblait que j'allais perdre quelques os et quelques tendons d'ici la fin de l'entrevue. Je n'en n'avais pas envie – le masochisme me débectait. Je n'avais pas suffisamment de mauvaise foi pour ces travers.

―Tu aimerais goûter à mon poison ?

Ce que j'aurais pu prendre pour une invitation sexuelle face à un beau corps n'en était clairement pas une ; quoique j'aurais pu préférer. Ça aurait été plus facile à refuser, à trouver une pirouette, figure de saltimbanque à poser sur ma langue pour sortir un mensonge.

Je voulais cruellement répondre non, mais mon amputation m'en empêchait.
Je ne trouvais aucune acrobatie verbale. Ma bouche demeura alors close comme elle l'était rarement ; elle me poussait dans une impasse qui me dépeçait déjà.

Comme je ne pouvais pas parler, j'ai souri. J'ai fait quelques pas perdus dans ma petite boutique tiède, roulant derrière le comptoir comme s'il pouvait me protéger de l'ire de la petite fille harpie, affairant mes mains à replacer deux, trois guimauves.
Le froissement de la soie fit frémir mon regard ; il se posa sur la sucrerie que j'avais façonné et qui allait être anéantie.

― Je suis heureux que mes confections te plaisent.

Mais l'on ne pouvait pas se couvrir de bonbons.

― J'ai crée une nouvelle drogue, je suis sûre qu'elle te plairait.

Même impasse, qui me griffe un peu plus le dos. Le même besoin de refuser tend tous mes muscles. Je ne suis pas l’imbécillité – je n'ai pas envie d'être cassé en vingt par cette enfant.

― Ah oui ? Et elle consisterait en quoi, cette drogue qui me plairait ?

Mes lèvres sont liées.
A défaut de pouvoir exprimer mes refus, je peux toujours lui régurgiter mes sourires.

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaMer 4 Fév - 23:16

» is it a game because your head is gonna blow up_
oh wait, lets do this, make me taste ur blood darling_

Simple et rapide, elle posa son index sur ses lèvres fines, un petit sourire mutin sur son visage et ses deux yeux vides étaient grands et ouverts. Ses manières candides étaient calquées sur celles d'un enfant naïf et innocent. Elle arborait un petit air ingénu, une moue délicieusement enfantine à la fois joueuse et amusée qui se dessinait sur son joli petit minois. Elle aurait du être juste un fléau, une entité abstraite. Pas le monstre inhumain qui se confondait parmi les hommes, les appréhendait et jouait avec eux. L'homme se confortait dans la douleur, souhaitant toujours souffrir davantage, seul moyen de le maintenir en vie. Opium avait fini par trouver substance dans la peine qui l'habitait. Bien que très souvent, son mal était ressenti à travers un voile qui la distançait de ce qu'elle était, elle avait fini par apprécier le vice mordant de ce qui saccageait son corps. Et elle avait appris par aimer les humains, peut-être pas d'une façon saine mais finalement un certain intérêt pour eux s'était éveillé et elle voyait cela davantage comme un jeu. De quoi tuer l'ennui, et amuser la douleur ma chérie. Mes ses lèvres roses étaient avides. Elle voulait boire, aspirer l'essence des humains et ressentir toutes les émotions qui les submergeaient. Elle voulait les faire plonger si profond dans les ténèbres qu'ils ne verront plus jamais aucune lumière de leur vie. Elle se délectait de leur destin tragique, de ce qui les avait conduit en ces lieux, cet eden faussement idyllique qui regorgeait de personnes corrompus.

Elle laissa un petit rire cristallin s'échapper de ses lèvres tandis qu'elle se rapprocha de son interlocuteur, avec toute la candeur et l'innocence au possible. Elle franchit la distance qui la séparait de sucre, ce doux confiseur aux nuances amères et posa ses mains fines sur sa poitrine. Elle exerça une légère pression, avec douceur et force à la fois. Puis elle tira sur son vêtement pour amener son visage près du sien. Elle plongea son regard dans ses yeux. Ces deux excavations vides et sans fond semblaient le transpercer sans toutefois le distinguer, passant juste au travers de la matière, à travers cet homme pour plonger derrière sa carapace, le masque qui sonnait faux et juste à la fois. Le masque qui lui avait donné le surnom de Chevalier. Galant, gentil, affable, n'était-ce pas un merveilleux commerçant ? Pourtant elle voyait au delà, elle voyait des noirceurs qu'il refusait de voir, qu'il refusait de reconnaître et elle tentait avec subtilité de les réveiller. Pourquoi faire mal le bien quand on peut bien faire le mal. Et mademoiselle excellait, elle était mauvaise et elle l'assumait. Elle aimait les regards dérangés qui se posaient sur elles, les expressions outrées ou l'incompréhension qui se lisait parfois sur certains visages. La douleur frappait, sans se poser de question, sans prévenir. Elle n'avait ni la bonté d'annoncer sa venue ou d'essayer d'atténuer quelque peine. Opium était ainsi : franche et directe, avec la spontanéité d'une enfant et l'esprit d'un sujet dérangé apte à la cruauté et la violence. Sans avoir aucune distinction de bien ou de mal, sans connaître ce qui pouvait être moralement souhaitable ou non, balayant les idées, les préceptes et toute valeur préconçue. Elle aimait le chaos. Alors, tandis que sa peau froide et blafarde touchait presque celle de sucre, son nez effleurant parfois son visage, elle souffla.

_ Pour le savoir, souffla t-elle avec délice et un ton onctueux, il faudra que tu viennes me voir, mon cher.

Elle le lâcha enfin, ses traits fins esquissant un rictus amusé. Ce qu'elle aimait les hommes parfois. Elle partageait leur curiosité malsaine, leurs vices et leur peine. Ca faisait pas mal de points en commun, peut-être même un peu trop si on devait tous les citer. Elle n'avait pas le corps pour abuser de ces attraits d'une manière explicite, mais elle avait la finesse de pouvoir employer son apparence d'enfant à ses fins et s'amuser avec. Un esprit bien trop corrompu pour une simple enfant, haha, mais la nature n'a pas de réel dessein... Thémis, piètre chose et être impuissante ne pouvait rien faire face aux vagabonds qui dépassaient de loin son champ d'action. Par leur simple existence, ils défiaient son autorité. Et la gamine adorait ce genre de jeu. Elle sortit de sa poche son paquet de cigarette, d'un geste presque automatique et, avisant cet homme qui peignait son faciès avenant et chaleureux de multiples sourires et expressions douces, elle indiqua la porte du doigt.

_ Souhaiterais-tu me joindre pour fumer ? glissa t-elle.

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaSam 7 Fév - 1:35

Encore une fois, elle revenait à la charge.
Je m'étonnais à découvrir sa présence bouffante, lourde comme un animal mort alors qu'elle ne devait peser au plus que quarante-cinq kilos. Sans me départir de mon sourire commercial qui collait à ma bouche comme un tatouage, je haussais mes deux sourcils. Cette petite fille galaxie n'avait peur de rien, et surtout pas des hommes.

Je savais qu'elle prenait la situation comme un jeu ; moi aussi. Mais à force, je me demandais si je n'avais pas fini par me faire avoir. D'ordinaire, j'aurais passé une main dans mes cheveux, parce que c'est un sale tic que j'ai, quand je joue les comédiens des planches de foires. Là, j'ai gardé toute ma stature. Je n'ai rien dit lorsque ses épaules se sont plantées devant moi, ni quand elle a empoigné ma chemise (doucement, néanmoins, mais elle était déjà froissée), ni quand elle s'est mis à respirer droit sur mes lèvres.

Bon sang, elle me dégoûte.
Qu'elle me lâche, elle est dégoûtante, infecte, et même si elle n'a pas d'autre odeur que le sucre qu'elle vient de casser entre ses dents de laits, j'ai l'impression qu'elle envoie de relents de putréfaction.

De là où je suis, je peux voir tous les détails de ses deux orbites vide. Je m'attendais à y voir des reflex bordeaux et veineux, de la chair et du muscle, peut-être un nerf optique coupé et abandonné. Mais il ne s'y trouve que du vide.

Si j'y plantais mon index, il disparaîtrait.
Quelle me lâche, putain, je déteste sentir son air si près du mien. Elle est infecte. Je souris et je l'écoute, comme si elle était la femme la plus fatale de l'après-mort et que je ne pouvais résister à ses talons aiguilles, ses hanches de pommes et sa poitrine femelle.

J'ai envie de lui envoyer un coup de poing.
Elle fini par me lâcher, et je lui envoie en riant :

― Quel dommage, j'étais si curieux !

Puis je me redresse et d'un œil que je sais et bonheur, et noir, je la regarde s'éloigner de quelque pas. Un peu plus et j'aurais un mauvais rictus sur les lèvres, le même que lorsque je dois goûter mes propres friandises.
Dégoûtant.

Sa cigarette, brandie entre ses doigts, me donna envie. Cependant, quand elle me proposa de l'accompagner, je refusais d'un geste de la main :

― Non, je n'ai pas envie de fumer.

Avant de reporter mon regard sur elle et sur le bout de clope qu'elle allait porter à ses lèvres.

― Une autre fois, peut-être ?

Que l'on soit d'accord, cette enfant malheureuse de m'effrayait pas ; elle filait juste la nausée.

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MessageSujet: Re: que la mort aie pitié • opium (terminé ♥)
que la mort aie pitié • opium (terminé ♥) RxkgjUaMer 11 Fév - 23:37

» not lunatic, just inhuman_

Jugeant impassiblement la distance qui la séparait de la ruelle adjacente à la boutique, elle s'engagea sur les pavés froids et noirs pour s'installer dos contre le bâtiment sombre, abandonnant les effluves sucrées aux douces nuances pour le froid mordant matinal. Avec un masque froid hideux dessiné sur ses traits, elle alluma sa cigarette, les yeux relevés sur la voûte céleste bleutée auréolée de lumière. Tournant le dos à la porte entre-baillée donnant sur la boutique, elle apprécia la saveur du silence et de la solitude. Cet endroit était calme et sombre, les bâtiments hauts assombrissant la ruelle, vide de toute forme de vie humaine. Elle pouvait entendre le fracas humain qui se bousculait quelques mètres plus loin, comme un bruit de fond enjôleur. Nulle foule pressée, bruyante, avec des éclats de rires stridents pour lui percer les tympans ici. Elle n'aimait pas cet amas de personnes qui se réunissaient dans le quartier pour s'apostropher et occasionner ce concert aux notes immondes. Si elle devait venir, ce serait la nuit. Le monde était moins dense, et les lumières des bars, des restaurants et autres résidences nimbaient l'albâtre endroit de douces lueurs éthérées, formant une harmonieuse et scintillante chaîne d'étoiles se distinguant dans le velours obscur nocturne. Ces douces lueurs n'apparaissaient qu'à la tombée de la nuit, métamorphosant la ville avec somptuosité. Elle préférait la morsure glaciale des ténèbres, sentir le froid sur son épiderme blême. Cette douce atmosphère avait un effet d'endorphine sur son animosité aiguë portée aux hommes, ou peut-être la pénombre réprimait-elle ses pulsions pour se confondre avec le plaisir de voir le jour s'éteindre. Ce moment délectable ou, nombreux étaient les êtres qui s'enfermaient dans leur résidence, s'abandonnant au confort et à la chaleur d'un lit et des draps. Un moment où sa silhouette singulière se fondait parmi les ombres, se frayant un chemin parmi l'humanité sans qu'aucun ne remarque sa démarche saccadée, ou les orbites creusées remplaçant ses yeux.

Hélas, il faisait jour. Le soleil, sphère enflammée, brillait avec impétuosité. Il brûlait sa peau blafarde et blanche. Elle était une forme monstrueuse de la douleur, humaine néanmoins, aux bras fins terminés par des mains élancées et des ongles d'un noir profond. Que le ciel, quel que soit son dessein, soit témoin de sa volonté de se mêler aux hommes et de les comprendre. Mais ni même un idiot ne pourrait se fourvoyer sur de telles intentions portées par le fruit d'une idée, d'une émotion. Peut-être était-ce dans la nature malsaine de la souffrance, dans ses fibres noueuses et griffes aiguisées ? Le vice rampait avec lasciveté, léchant langoureusement tout sur son passage. Il s’immisçait dans chacune des failles, trempait ses lèvres sur chaque aliment pour ne lien laisser d'autre qu'une marque indélébile. La marque de la douleur. Celle qui brûle les esprits, hante pour à jamais demeurer. Celle qui rappelle à tout un chacun qu'elle est là, bien présente, et qu'aussi insignifiante peut être la vie, elle est là pour le témoigner. Opium, observatrice fine qui avait réussi à déceler les rouages usés, corrompus des cerveaux humains, pouvait témoigner. La grandeur de l'homme, sa perte, sa condition. Foutaises. Elle manquait cruellement de compassion, et si elle avait par mégarde fouillé dans un cœur en perdition et aurait arraché tous les plus viles secrets qui s'y cachent, quel souhait pouvait la muer pour décider de quoi en faire ? Il n'y avait rien, en vérité. Juste des moments de folie ou briser quelqu'un l'amusait. D'autres moments ou elle s'en moquait complètement. Il y avait aussi ces êtres qu'elle aimait bien, parce qu'ils étaient amusants, ennuyants, stupides, naïfs ou bien cruels ? Elle n'avait pas de raison. La douleur n'avait pas besoin de raison.

Son regard froid et perçant fixait Sucre toujours dans la boutique derrière sa vitrine. Qui sait si poussée par la déraison d'une nouvelle émotion elle finissait par s'emporter ? Cela lui importait guère. Même le goût du tabac lui paraissait parfois si fade, parfois si réconfortant et agréable. Ses humeurs, ses goûts étaient aussi instable que l'était sa personnalité. Elle était l'inconstance, elle était brisée, dont les morceaux ont été recousus à la main. Un jouet que ses créateurs auraient détruit et cassé, la jugeant défectueuse, avant de lui permettre de pouvoir continuer à vivre. Mais là aussi, quelle importance ? Tout était si insignifiant à ses yeux sombres vides. Elle contenait sur ses lèvres les promesses éternelles des supplices que l'on réservait aux damnés dans les plus bas enfer, les tortures les plus imaginables renfermés dans un si maigre corps, représentant le plus terrible des visages de la mort, celui de la souffrance éternelle qui jamais ne s’affaiblit. Et pourtant, elle n'avait aucune consistance, car elle n'espérait rien et ne renfermait rien d'autre dans sa coquille vide.

Nulle substance. Nulle raison. Nulle émotion.
Rien.
Juste un vide sans fond, inhumain.

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