Il est apparu comme ça, un jour. Sans savoir où il était, il savait néanmoins qui il était. Un être soumis aux plaisirs de l’existence, à la joie de vivre et à la délicieuse ivresse du bonheur. Il n’a jamais su pourquoi ni comment, ni de qui, mais cela ne lui a jamais vraiment importé. Il est apparu dans une taverne d’un village côtier, flambant nu, mais fier de ses attributs. Avec son air fringant et enjoué, on pouvait bien lui pardonner cet élan d’indécence publique. Il y resta quelques instants, quelques mois, à festoyer gaiement avec les bons hommes qui revenaient de la pêche. Il avait toujours perçu leur travail comme un fardeau, mais à voir leur mine égayée au crépuscule, il savait déjà fort bien qu’ils avaient trouvé leur bonheur. Il était comme ça, lui aussi. Quand il ne buvait pas et ne festoyait pas, c’était avec les filles des pêcheurs qu’il prenait son plaisir, y allant de prouesses qui cachaient bien le secret de sa naissance. Puisque le mystère était bien gardé et que les concubines gardaient le silence, personne n’y vit que du feu. Malheureusement, tout plaisir n’est qu’éphémère.

Novac compensait sa flemme par le divertissement qu’il procurait. Les gens n’avaient rien à dire, au début, puisqu’il attirait les foules. Par les histoires, les contes, les chansons que tous les bons ivrognes entamaient le cœur léger après la grosse journée, il en venait à payer sa propre consommation. Même en tant que mascotte respectée, cela dit, sa consommation excessive le rattrapa bien vite et afin d’éviter tout problème, il plia ses maigres bagages.

Le problème demeurait dans l’exécution. Il partait oui, mais ne savait pas où, l’idée d’errer comme un nomade lui déplaisait en quelque sorte, l’obligeant à renier cette possibilité au plus profond de son être. Parce que s’il était bon diable, il n’acceptait pas que quelqu’un ou quelque chose vienne à l’encontre de son plaisir. Malgré sa carrure plus qu’enviable, c’était également un être qui préférait la fuite à la confrontation. Alors, bien malgré lui, il chercha où trouver refuge. Un endroit où il se sentirait bien, libre et que s’il devait y travailler pour justifier sa présence, que le fardeau ne soit pas trop lourd sur sa personne. Après tout, il faisait pâle figure lorsque venait le temps de prendre des responsabilités pour quoi que ce soit. Il l’avait bien fait avec les filles des pêcheurs, mais ce n’était plus si simple.

Errant sur le quai de ce village qui l’avait hébergé lors de son apparition, il remarqua ces pêcheurs qu’il enviait, les écoutait murmurer ces chansons grivoises à tue-tête et comprit que sa place résidait sur les hautes mers, entouré d’hommes et de femmes partageant ce même goût de la liberté évasive, à voyager de terre en terre à la recherche de tout ce qui leur ferait plaisir. Il le rencontra alors, Bermuda qu’il se faisait nommer. Pour toute offre, il offrit son corps au capitaine du navire. Que ce soit pour transporter des chargements, pour diriger le navire, il était l’homme de la situation. Fort de sa personne, il n’aurait aucun problème à réaliser ces tâches, à condition qu’il en aille envie. Toutefois, le point sur lequel il insista le plus fut celui qu’il n’y avait pas mieux que lui pour mettre de la vie sur le bateau. Après tout, la fête coulait dans ses veines, était le propos même de son existence.

Au final, il a intégré l’équipage. Des bras de plus, ça ne se refuse pas. Depuis, il parcourt le globe à la recherche de richesses, mais surtout de plaisir et d’anecdotes. Il est le plaisir, il est celui qui remonte le moral, il est Novac.